C’est quasiment obligatoire. Pour démarrer une carrière d’artiste un (gros) grain de folie est nécessaire. Certains vont jusqu’à l’affirmer si fort qu’ils en font leur pseudonyme.
1 Mad Professor
A l'université du dub, Neil Fraser a facilement décroché une chaire permanente. D'ailleurs, c'est parce qu'il avait l'habitude de fabriquer lui-même à coups de fer à souder ses amplis et autres enceintes, que ce Londonien d'origine guyanaise a gagné son pseudo à la fin des années 70. Ce professeur fou a, depuis, collaboré avec le gotha du reggae dub, de Lee Perry au chanteur Horace Andy, en passant par Buju Banton ou Jah Shaka. Il a même construit un pont inédit entre Marseille et Londres en participant en 2000 au disque Marseille London Experience de Massilia Sound System. Mais son album le plus connu, et la meilleure porte d'entrée vers son univers aux énormes basses, est No Protection, version dub de l'album Massive Attack Protection, qu'il signa en 1995. Jah rules !
2 Madben
Le fou le plus sage de cette sélection. Tombé dans la techno à la fin des années 90, Benjamin Leclercq s'est lancé dans le deejaying techno après avoir pris une claque magistrale lors d'un DJ-set de Jeff Mills. Vingt ans plus tard, ce Nordiste qui a longtemps vécu une double vie, cumulant ses dates du week-end et son travail de responsable éditorial à la Fnac, publie à 37 ans Fréquence(s), son tout premier album, qu'il a pensé «à l'ancienne». Loin de la collection de titres fonctionnels pour dancefloor, Madben embrasse large, passant sans difficultés de pistes mélodiques à des hymnes de club, et se permet quelques invités de luxe comme Laurent Garnier, Manu le Malin ou Rebeka Warrior de Sexy Sushi. Finalement, la folie de Madben, c'est d'avoir attendu si longtemps.
3 Mad Skillz
Le rap compte bon nombre de fêlés, donc il ne leur est sans doute pas nécessaire d'en rajouter avec le pseudo. Et il est paradoxal de constater que l'un des rares à oser coller l'adjectif «mad» à son nom ne compte nulle frasque à son CV. Au contraire, puisque ce rappeur de Virginie vient de démarrer en janvier à l'université de Richmond un cours d'enseignement du hip-hop. Une utilisation particulière du micro pour celui qui a commencé en 1996 avec l'excellent album From Where ??? dont le titre fait référence à l'origine de Shaqwan Lewis (son vrai nom), loin de l'éternelle guerre West Coast vs East Coast. On lui doit également la création de la très appréciée web série Hip-Hop Confessions, où, comme son nom l'indique, un rappeur révélait au public une anecdote inédite liée au hip-hop. Fou, non ?
4 Mad Rey
La folie à laquelle fait référence Quentin Leroy dans ce pseudo est sans nul doute celle de la house, qui s'est emparée depuis quelques années des jeunes producteurs parisiens. Avec ses copains du label parisien D.KO, Flabaire ou Mezigue, auxquels on peut joindre Folamour ou Neue Grafik, Mad Rey invente une french touch du XXIe siècle, retwistée d'une manière toute personnelle, où les accents house filtrés des grands anciens Cassius ou Daft Punk se retrouvent souvent mêlés à de savoureux beats hip-hop. Pas un hasard si l'outil de production favori de Quentin Leroy est justement une MPC, la machine légendaire des premiers producteurs rap. Ses deux excellents maxis l'Orage et U.M.A. expriment parfaitement le talent multi-styles de ce Parisien qui lorgne parfois vers la musique de film ou le funk. Crazy.
5 Mad Mike
Le «Mad» le plus respecté de l’univers de la techno, même si on traduira «mad» par «en colère» plutôt que par «fou». Car de la colère, Mad Mike en a à revendre. A la tête de son label-collectif Underground Resistance à Detroit, cet ancien musicien de studio de la Motown se bat depuis 1990 contre la réappropriation culturelle dont a pu souffrir la techno, comme le rock ou le jazz avant elle. Si le genre a rapidement connu un succès mondial, la mémoire collective a partiellement effacé Detroit et ses producteurs afro-américains, pourtant à l’origine du genre, de l’histoire de la musique. Cet activiste, dont on sait très peu de choses et qui se montre toujours le visage caché par un bandana, a créé le label UR, une structure de distribution, un magasin de disques, un musée de la techno de Detroit… Une légende.