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Libération
Critique

Scorpions La vierge mise à nu par les hard-rockeurs

Considérée comme l’une des pires pochettes d’albums de l’histoire du rock, «Virgin Killer» de Scorpions est surtout celle qui a provoqué le plus de remous. Quelle drôle d’idée aussi.
publié le 11 mai 2018 à 17h46

La censure L'album Virgin Killer ne restera pas longtemps en bac avec sa pochette originale. Devant le tollé provoqué par cette incitation à ce que certains jugent comme de la pédophilie, RCA couvre ses arrières : le disque est vendu sous un film plastique noir dans certains pays, quand d'autres changent l'image pour un portrait classique de nos cinq Teutons chevelus. Seule la France bénéficiera de la photo de Michael von Gimbut non censurée. Le groupe va ensuite se défausser sur RCA, à qui il reproche mollement d'avoir recherché la controverse pour créer du bruit médiatique, tout en reconnaissant ne pas s'y être opposé. En 2008, l'ancien guitariste Uli Jon Roth, auteur de la chanson Virgin Killer, avouera son dégoût de l'image et se fustigera pour ne pas avoir stoppé la machine à temps.

Les suites La controverse n'est jamais retombée. En mai 2008, le FBI annonce une enquête officielle sur la légalité de la présence de l'image sur Wikipédia à la demande du site conservateur américain WorldNetDaily, mais conclut à l'absence d'infraction légale. Quelques mois plus tard, l'organisme britannique Internet Watch Foundation, qui lutte contre les contenus illégaux en ligne, juge la photo pédopornographique, ce qui oblige les fournisseurs d'accès à bloquer la page Wikipédia incriminée. Cela ne sera que temporaire, l'IWF reconnaissant rapidement l'inutilité de s'acharner sur une image déjà amplement diffusée. En 2015, une cour de justice suédoise statue que l'image relève purement et simplement de la pornographie infantile.

L'image Au milieu des années 70, le groupe de hard rock allemand Scorpions se targue de repousser les limites avec ses pochettes dans le but affiché d'attirer l'attention sur ses disques, mais délègue systématiquement le choix des visuels à son label. La pochette de Virgin Killer va souffrir de cette absence de contrôle. Pour le groupe, le «tueur de vierge» est une image du temps qui passe. Mais pour Steffan Böhle, alors chef de produit au sein de RCA et qui va se charger de la conception du visuel, l'idée est tout autre. Sous sa direction, le photographe Michael von Gimbut réalise le portrait d'une petite fille prépubère de 10 ans, entièrement nue, et dont le sexe est caché par un impact de balle sur une vitre. Le jour de la prise de vue, personne n'est choqué par le résultat. Ni la mère ni la sœur de la jeune modèle, présentes sur le plateau, ni les trois assistantes féminines du photographe.