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Libération
Histoire de pochette

Joy Division Vision d’outre-tombe

Quand le directeur artistique Peter Saville a choisi une imagerie funéraire pour le deuxième album de Joy Division, il ne se doutait pas que le chanteur se suiciderait peu de temps après.
publié le 15 juin 2018 à 17h06

Le projet Si, pour la pochette de leur premier album Unknown Pleasures, les membres de Joy Division savaient ce qu'ils voulaient, ils vont s'en remettre entièrement à Peter Saville pour celle de Closer, leur deuxième et dernier disque du vivant de leur chanteur. Tout ce que désire le batteur Stephen Morris, c'est qu'il y ait du vert. Prenant le contre-pied de ce souhait, Peter Saville opte au contraire pour un visuel radicalement épuré en noir et blanc.

La photo Peter Saville a jeté son dévolu sur une photo d'un bas-relief ornant un tombeau, prise dans un cimetière de Gênes en Italie, une ville réputée pour son savoir-faire en matière de monuments funéraires. Une image belle mais glaçante, qu'il a découverte dans Zoom, un magazine de photo des années 70 et qui fait partie d'une série signée par le Français Bernard Pierre Wolff. Quant à la typographie, classique elle aussi, c'est celle des tailleurs de pierre romains.

Le dilemme Exploit pour Peter Saville, systématiquement en retard, la pochette est prête deux mois avant la sortie du disque. Le groupe est ravi. Malheureusement, le 18 mai 1980, à la veille d’une tournée américaine qui l’effraie, Ian Curtis, le chanteur de Joy Division, se pend dans sa cuisine. La question de la pertinence de la pochette se pose immédiatement : dévastés, les trois Joy Division survivants craignent d’être accusés d’exploiter le suicide de leur ami. Ian Curtis ayant lui-même validé l’image, elle sera en définitive conservée et entrera instantanément dans l’histoire du rock.

La direction artistique Impossible d'évoquer une pochette de Joy Division sans parler du travail de Peter Saville, le toujours très élégant directeur artistique de Factory Records, légendaire label qui a vu naître les quatre de Manchester. S'il a le titre de vice-président de Factory à son lancement en 1980, Peter Saville travaille en réalité à l'élaboration de la très léchée charte graphique maison depuis la première soirée organisée par Anthony H. Wilson, en mai 1978. De la première affiche aux ultimes spasmes du label emblématique de Manchester en 1992, il est devenu l'un des graphistes les plus en vue de l'industrie musicale, notamment pour ses emprunts à l'art abstrait du début du XXe siècle et ses expérimentations, pochettes en papier de verre (l'album The Return of the Durutti Column) ou en forme de disquette 5¼ (le maxi Blue Monday de New Order). Mais c'est pour Joy Division qu'il signe ses premiers coups d'éclat.