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Libération
House

Le son du jour #281 : bifurqué comme Ross From Friends

A quelques jours de son passage à la Peacock Society de Paris et quelques semaines en avance avant la sortie de son premier album chez Brainfeeder, auscultation expresse du cas Ross From Friends, qui n'est pas seulement un enfant défiguré de la pop culture mais l'un des auteurs house les plus attachants du moment.
(Photo Fabrice Bourgelle)
publié le 3 juillet 2018 à 15h18

Tout le monde le sait : toute musique est dérivée d’une ou plusieurs autres, elles-mêmes dérivées d’une ou plusieurs autres, à l’infini jusqu’à la première mélodie chantonnée intentionnellement par un homme primitif dans une caverne. Mais même dans le grand bouillon postmoderne qui est le nôtre, avec ses tubes de rap commercial qui mélangent de la techno et de la musique d’Afrique de l’est et ses groupes de gamins qui jouent du rock vieux de cinquante ans, certaines familles musicales – au hasard, celles de la musique électronique – et certains artistes (pourquoi pas celui-là qui fait l’objet de l’article que vous êtes en train de lire) semblent avoir développé leur esthétique en partant de ce constat que les amonts sont effectivement irréductibles, et que l’originalité pure et absolue n’existe pas.

Le Britannique Ross From Friends, dont le blaze est évidemment le résultat d'une blague douteuse (on parle bien de ce type-là) qui en dit long sur sa manière d'aborder la culture, compose sa house music à partir de tout ce qui lui tombe sous la main, 78 tours, vidéos Snapchat ou vibrations du métro qui passe sous sa maison, et laisse naturellement sa nature labyrinthique s'exprimer sans le moindre état d'âme puisqu'on perçoit non seulement les coutures et les différentes textures des matériaux récupérés, mais que chacun de ses bangers – par ailleurs tout à fait dansants et irrésistibles – donne l'impression de passer sans arrêt d'une pièce à l'autre dans un grand manoir bourré de bidules du parquet jusqu'au plafond.

Family Portrait, le premier album de Felix Clary Weatherall, réussit ainsi l'exploit d'être à la fois un disque de house funky et lancinante comme du Moodymann, bourré d'épiphanies mélodiques dignes de Burial, et un assemblage frankensteinien dense à la limite du conceptuel, entre la grande installation pop art et un opéra postmoderne assourdissant. En attendant la sortie de l'objet en magasin le 27 juillet chez Brainfeeder, sachez que Ross From Friends se produira vendredi soir au Parc floral de Paris, dans le cadre de l'immanquable Peacock Society, aux côtés de Jeff Mills, Laurent Garnier, Daniel Avery, Not Waving, Chloé ou Richie Hawtin.