Qui a dit que les Sex Pistols étaient la grande escroquerie du rock’n’roll ? S’il n’est pas certain que Sid Vicious jouait de la basse, au moins Johnny Rotten savait chanter. Et pourtant des chanteurs qui ne chantent pas sur leur disque, ça existe. Florilège.
1 - Plastic Bertrand
A l'heure du déjeuner, en 1978, la France retient son souffle. Attablée devant un bon steak frites, le verre rempli de jaja Kiravi, elle attend impatiente que défilent sur le petit écran, les «vedettes» de la chanson (toujours en play-back), invitées par Danièle Gilbert à son émission Midi Première. Avec parfois des surprises capables de faire remonter abruptement le tord-boyaux. Telle l'apparition d'un pois sauteur échevelé, tout en cuir et épingles à nourrice, qui éructe d'une voix nasillarde un gentiment déjanté : « Ça plane pour moi.» Ainsi, à jamais, le Belge Plastic Bertrand, restera l'image du punk pour des millions de Français. L'image plutôt que la voix car Roger Jouret (son vrai nom) ne chante pas sur ce titre, ni d'ailleurs sur ses quatre premiers albums où c'est son producteur et compositeur Lou Deprijck qui tient le micro. Ça plane pour lui.
2 - Michael Jackson
Certes le 1er avril approche, mais nous n'allons pas affirmer ici que le King de la pop n'a jamais chanté sur Thriller ou Bad. En revanche, en 2010, un an après sa mort, au milieu de l'album posthume Michael, on trouve trois chansons, Monster (feat. 50 Cent), Breaking News et Keep Your Head Up, sur lesquelles Jackson n'aurait jamais posé sa voix. Une ténébreuse affaire révélée par une fan, Vera Serova, qui a attaqué en justice en 2014 Eddie Cascio, un ami du chanteur, sa société de production et le label Sony Music, les accusant de tromperie sur la marchandise. Elle donne même le nom de l'imitateur de l'ami des (très) jeunes garçons : un certain Jason Malachi. Cela a donné lieu à une longue procédure judiciaire où, dans un premier temps, Sony avait admis que «peut-être» Michael Jackson ne chantait pas sur les titres en question, puis le label s'est rétracté lors du procès qui a eu lieu en août dernier. Depuis, on attend le verdict définitif.
3 - Boney M
Il aura fallu attendre la mort de Bobby Farrell à 61 ans, des suites d’un malaise cardiaque en décembre 2010 à Saint-Pétersbourg, pour apprendre que le charismatique chanteur de Boney M… n’avait jamais chanté un seul titre du groupe disco. Créé en 1974 par le producteur et chanteur Frank Farian pour la sortie d’un 45 tours, Boney M n’est qu’un pseudonyme parmi d’autres pour l’Allemand. Devant le succès inattendu, il embauche en catastrophe des choristes et un danseur, qu’il remplace un an plus tard par le DJ Bobby Farrell, qui devient le «chanteur» de ce quatuor qui va écouler 60 millions d’albums en presque quarante ans de carrière. Et pendant tout ce temps, Farrell et ses choristes ne seront que des mimes pour les titres enregistrés par Farian. Ironie, les notes de pochettes des albums de Boney M indiquaient clairement qui faisait quoi. Mais qui lit les pochettes ?
4 - Milli Vanilli
A la fin des années 80, Frank Farian renouvelle l'expérience avec Milli Vanilli, qu'il crée de toutes pièces en embauchant deux gravures de mode d'une vingtaine d'années, le Français Fabrice Morvan et l'Allemand Rob Pilatus. Catapulté sur le devant de la scène, le duo de r'n'b grand public écoule 10 millions de copies de son premier album, All Or Nothing, porté par le single Girl You Know It's True. Phénomène commercial, Milli Vanilli s'exporte, enchaîne les concerts et remporte le Grammy Award du meilleur nouveau groupe en 1990. Las, la machine déraille après un play-back foireux lors d'un concert filmé pour MTV et la sortie américaine de l'album rend fou de rage un certain Charles Shaw, qui affirme être l'un des trois chanteurs du disque. Piqués au vif, les deux mimes exigent de réellement chanter sur le deuxième album de Milli Vanilli. Farian refuse et, cerné, avoue la supercherie à la presse. Le scandale est retentissant. Le Grammy Award est restitué, l'album retiré de la vente aux Etats-Unis et des poursuites judiciaires pour fraude engagées dans certains Etats.
5 - Hatsune Miku
Un cas un peu particulier pour finir. Hatsune Miku a enregistré de très nombreuses chansons, donné d’innombrables concerts dans le monde entier, participé à des shows télé et ses fans japonais les plus ardents organisent de vraies-fausses cérémonies de mariage avec elle. Et pourtant, Hatsune Miku ne chante pas sur ses disques. Ce qui est normal, car elle n’existe pas, en tout cas pas en chair et en os. Cette icône de la J-Pop, la pop japonaise, est une création numérique, une animation conçue en 2007 pour la promotion d’un logiciel de synthèse vocale. Son nom veut d’ailleurs dire «premier son du futur» en japonais. C’est beau le progrès et la vie de producteur aujourd’hui : même plus besoin d’Auto-Tune, ni de gérer les caprices des artistes.