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Libération

Bis repetita

Ils assument leur bégaiement.
publié le 26 avril 2019 à 17h07

Parfois, les artistes sont pris d’un irrésistible bégaiement au moment de se baptiser. Comme pour mieux faire entrer dans la tête du public un nom prononcé comme un slogan. Bang bang !

1- Twin Twin

Rien de plus logique que de voir double lorsque l'on naît «jumeau» (twin en anglais). Sauf que, pour compliquer un peu les choses, nous n'avons pas affaire à un duo, mais à un trio. En plus très accueillant puisque leurs deux derniers singles bénéficient de la participation du rappeur Grems et de la chanteuse Hindi Zahra, dévoilant ainsi les deux facettes du répertoire de ces banlieusards parisiens exilés (volontaires) à New York, capables de passer en un instant de l'énervement au câlin. Presque dix ans de carrière pour une formation que l'on a vraiment découverte en 2014, quand leur titre Moustache a été sélectionné pour représenter la France au Concours Eurovision de la chanson. Pas vraiment un succès. En décrochant la dernière place, ils obtiennent le plus mauvais résultat réalisé par notre pays. La gloire, quoi.

2- Talk Talk

Le décès à 64 ans en février de son chanteur Mark Hollis, sorte de Bryan Ferry en plus désespéré, a remis sous les feux de l'actualité ce groupe britannique dont la pop sophistiquée a marqué les années 80. Grâce aux deux hits It's My Life et Such a Shame, joyaux de leur second album qui les place dans la même catégorie que Duran Duran ou Depeche Mode. Ce qui n'est pas forcément pour plaire à Hollis dont les aspirations artistiques cherchent avant tout à s'affranchir des formats commerciaux. De fait, les disques suivants The Colour of Spring (1986) et surtout Spirit of Eden (1988) entraînent la formation du côté du jazz, voire de la musique expérimentale. Talk Talk tirera définitivement le rideau après Laughing Stock (1991), que certains n'hésitent pas à qualifier de pierre angulaire du post-rock. Avant de disparaître des radars, Mark Hollis s'échappe en solo en 1998. Un album à son nom, dépouillé et acoustique, à contre-courant de l'envolée électronique de l'époque.

3- Duran Duran

Pas impossible d'imaginer de prime abord que ces Anglais rois de la pop synthétique bubblegum (en restant sympa) aient trouvé leur nom suite à une traduction approximative de la bande dessinée Tintin, avec ses impayables policiers Dupont et Dupond. Eh non, fausse piste. Ces garçons aux brushings toujours impeccables, symboles de la pop des années MTV, se sont baptisés ainsi en hommage à un club de Birmingham, leur ville d'origine, le Barbarella. Et qui dit le film culte de Roger Vadim dit Jane Fonda, oui certes, mais aussi Milo O'Shea, qui tient le rôle du savant fou, le docteur… Durand Durand. Un peu tiré par les cheveux, on vous l'accorde. Aujourd'hui, on se souvient surtout du groupe emmené par le chanteur Simon Le Bon pour sa flopée de singles (Girls on Film, Rio, A View to a Kill ou The Reflex) qui ont malencontreusement rendu «funky» synonyme de gros mot.

4- GusGus

Réunion de vidéastes et de musiciens née en 1995, le collectif islandais GusGus tire, lui, son nom du film de Rainer Werner Fassbinder Tous les autres s'appellent Ali, dans lequel Emmi, le personnage féminin, cuisine pour son amant Ali un couscous, mot exotique à ses oreilles, qu'elle prononce «gusgus». Mais pour qui a aimé l'élégant deuxième album de pop électronique Polydistorsion, paru sur le label anglais 4AD en 1997, le parcours du groupe a eu de quoi dérouter. Au gré des départs, des brouilles, des carrières solos et des changements de labels, la troupe a vu son originalité fondre comme neige au soleil. Après être passée par à peu près tous les styles électroniques, l'auberge espagnole d'une douzaine de membres s'est transformée en duo, dont le dixième album Lies Are More Flexible, sorti il y a un an, est passé totalement inaperçu. L'album de trop ?

5- The The

The The, ou le nom le moins «googlable» de l'histoire des moteurs de recherche. Fruit de l'imagination de Matt Johnson, The The est né de l'échec, en 1981, de son premier album Burning Blue Soul. Planqué derrière ce pseudonyme, l'atrabilaire et hyperproductif Johnson a produit un nombre incalculable de morceaux, dont peu ont finalement connu une sortie discographique. Symbole du rock indé enregistré en solitaire sur le très beau Soul Mining en 1983 (et le classique This Is the Day), The The devient ensuite un groupe aux contours fluctuants, gagnant en efficacité ce qu'il perd en finesse. L'arrivée de l'ex-Smith Johnny Marr à la guitare en 1989 initie une séquence de trois albums impeccables, qui culmine en 1994 avec Hanky Panky, recueil de reprises du chanteur de country Hank Williams. Matt Johnson s'éclipse en 1999 pour réapparaître en 2010 avec une série de bandes originales de films et, plus récemment une tournée avec son complice Johnny Marr.