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Libération
Critique

Chromatics, retour d’empathie

La sortie surprise de «Closer to Grey», nouvel album du groupe de Johnny Jewel, permet de se délecter à nouveau de ses fictions doloristes.
publié le 3 octobre 2019 à 18h11

L'une des plus belles chansons de Closer to Grey, septième album proclamé comme tel du plus populaire des groupes du fantôme Johnny Jewel, s'intitule Twist the Knife et elle traite précisément de «retourner le couteau dans la plaie». Or l'impression est effectivement très grande à l'écoute de ce disque morbide et merveilleux, livré brutalement mercredi, de retourner avec douleur et délectation dans une lésion, d'autant plus béante après la soi-disant destruction par le feu, puis résurrection, puis abandon dans les limbes de l'arlésienne Dear Tommy (sixième album dont plusieurs médias continuent à annoncer, preuve numérique à l'appui, qu'elle pourrait nous arriver un jour). Comment expliquer le plaisir que l'on a à écouter si triste recueil de poncifs de rock décadent et de calamités ? Que l'on s'adonne sans une seconde d'hésitation au vibrato plus accablé que jamais de Ruth Radelet, aux emprunts indécents à The Cure ou Neil Young qui couvrent les murs comme autant de tentures cramoisies, à ces secrets délivrés par une starlette qui aurait fait l'expérience de la mort et n'en serait pas tout à fait revenue ? Que l'on croit ou pas aux fictions doloristes du grand manitou Jewel, tout est affaire d'empathie chez Chromatics, au moins autant que de savoir-faire ou d'esthétique ; tout est d'autant plus poignant que le mystère semble être le grand et unique absent, comme dans les mots d'un ami ou d'un amant qui déverse sur vous ses afflictions, parce que l'amour existe aussi beaucoup pour partager le fardeau des traumatismes.