Label emblématique de l’électronique et des années 90, Warp a 30 ans. La petite maison de disques née à Sheffield puis relocalisée dans la plus bourgeoise cité de Londres fête ça avec un luxueux coffret de vinyles comprenant des sessions radio des héros maison, Aphex Twin, Boards of Canada, LFO & Co. Mais Warp, ce n’est pas que ça.
1-The Sabres of Paradise
En 1992, la scène techno londonienne explose, menée par Andrew Weatherall, entre autres fondateur du label Junior Boy's Own et responsable de la conversion des rockeurs Primal Scream à la religion acid-house. Avec Gary Burns et Jagz Kooner, il forme une redoutable équipe sous le nom de Sabres of Paradise. Label, remix, production, le trio sait tout faire et un premier album pour Warp voit le jour en 1993. Entre ambient, techno et musique sérieuse, Sabresonic, porté par le single Smokebelch, est une immense réussite, même si sa vie sera compliquée. Totalement occulté par la vague des compilations à succès Artificial Intelligence, il sera retiré du catalogue avant de renaître sous une forme remaniée en 1995. Le trio se séparera dans la foulée, et Weatherall reviendra sur Warp en 1998 au sein de Two Lone Swordsmen.
2-B12
Plus discrets que Boards of Canada et surtout actifs au début des années 90, Mike Golding et Steven Ruttler sont les grands oubliés de l'IDM anglaise, cette techno mélodique, planant loin des dancefloors, dont ils ont creusé les fondations. Sous le blaze B12, qui était aussi bien leur nom d'artistes que celui du label sur lequel ils diffusaient leurs copains Kirk De Giorgio ou Stasis tout en publiant eux-mêmes des disques sur Warp ou Rephlex, Mike Golding et Steven Ruttler ont quasiment inventé l'electronica anglaise, fortement inspirés de la techno de Detroit et du rock électronique allemand de la fin des années 70. Ils sont évidemment présents sur la série de disques et compilations Artificial Intelligence, publiés par Warp entre 1992 et 1994. Après avoir disparu sans explication entre 1998 et 2005, B12 est tout aussi mystérieusement revenu en 2008 pour un album, Last Days of Silence qui, bien que très beau, n'a pas réussi à réellement renouveler le genre qu'ils ont participé à inventer. Ni à les faire sortir de l'underground.
3-Vincent Gallo
On ne va pas retracer ici tout l'effarant parcours du beau, génial et régulièrement agaçant Vincent Gallo. Simplement rappeler qu'entre deux controverses pour des films ou des déclarations à l'emporte-pièce, cet artiste total (qui aurait pu faire partie du mouvement Fluxus) se décida à l'aube des années 2000 à publier deux albums de mugissement intérieur et gratouillis instrumentaux sur Warp. When et Recordings of Music for Film sont deux disques beaux à pleurer ou horripilants à souhait. C'est selon.
4-Broadcast
Plus flippée que bleepée, la musique de Broadcast détonne dans le catalogue de Warp. Loin des classiques electronica d'avant-garde ou des génies dérangés qui ont fait l'histoire du label, la bande formée à Birmingham au milieu des années 90 autour de la chanteuse Trish Keenan aimait la pop sous toutes ses coutures : expérimentale, instrumentale, neurasthénique, psychédélique, rêveuse ou trip hop… Tout était bon pour ces proches de Stereolab pour pervertir le format chanson et ses quatre petites minutes chrono. Une poignée d'albums (dont l'inaugural et excellent The Noise Made by People en 2000) et une vaste collection d'EP les verront progressivement s'éloigner de leurs premières influences sixties pour obscurcir leurs morceaux d'effets sonores toujours plus complexes. Un cheminement passionnant qui sera interrompu net par le décès de Trish Keenan en 2011, des suites d'une pneumonie.
5-Mount Kimbie
Avant de signer chez Warp, le duo anglais Mount Kimbie avait déjà eu sa petite heure de gloire avec son premier album Crooks & Lovers, à la pochette ornée d'un postérieur d'anthologie. Mais si son post-dubstep était déjà inventif, empruntant autant à l'electronica, à la house, au shoegaze qu'aux field recordings, c'est en arrivant sur le vénérable label que Dominic Marker et Kai Campos, comme imprégnés par la tradition expérimentale locale, se sont laissés aller à toutes les audaces. Comme en témoigne leur troisième et dernier album en date, Love What Survives, où ils passent en un claquement de doigts de Steve Reich à du post-rock basse fidélité ou à de la néo-soul minimaliste. Une versatilité que l'on retrouve depuis le milieu des années 2000 chez toutes les signatures du label, qui ne semblent avoir qu'une obsession : exploser les conventions. La relève est assurée.