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Libération
Reportage

A Compton, le gangsta mis au pas

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Associée depuis trente ans au gangsta rap, la cité californienne s’est émancipée de la violence, avec Kendrick Lamar en figure de proue. Reportage dans une ville en pleine réinvention, qui reste l’épicentre du rap de la côte Ouest.
Kee Riches, rappeur de l’ouest de Compton, s’est fait tatouer l’emblème de sa ville sur la poitrine. (Photos Julien Cadena)
par Nicolas Roges, Envoyé spécial à Compton Photos Julien Cadena
publié le 7 février 2020 à 17h21

«Vous allez assister à la puissance du savoir de la rue», prévient Dr. Dre, l'un des leaders du groupe N.W.A, sur le titre Straight Outta Compton en 1988. Sa voix y est caverneuse, presque menaçante. Banni de la plupart des radios américaines en raison de sa vulgarité, Straight Outta Compton aura néanmoins un retentissement médiatique considérable. Cette chanson et l'album dont elle est extraite vont populariser le gangsta rap, le grand public découvrant avec un mélange d'effroi et de fascination ce «CNN du ghetto», comme l'a décrit le rappeur Chuck D. Le genre est la voix d'une population laissée à l'abandon, minée par le chômage de masse, le racisme et les brutalités policières. Systématiquement associé à N.W.A, car la plupart des membres du groupe y sont nés, Compton devient dans l'imaginaire collectif la terre de tous les dangers. Encore aujourd'hui, la ville est associée aux meurtres et aux trafics que les gangsta rappeurs évoquent à longueur de chansons.

Son histoire n’a pourtant pas débuté en même temps que celle du gangsta rap. Quarante ans plus tôt, Compton était l’exact opposé de ce qu’ont montré les clips des légendes locales Compton’s Most Wanted, B.G. Knocc Out, DJ Quik, The Game ou YG. Avec son système éducatif prestigieux et sa position avantageuse au centre du comté de Los Angeles, la ville a longtemps été une destination prisée des familles blanches aisées. Mais l’épidémie de crack qui touche les Etats-Unis dès 1985 entraîn