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Repères

Léon Theremin, des salons new-yorkais au goulag

publié le 5 avril 2020 à 17h41

C’était il y a un siècle. Léon Theremin faisait une découverte qui continuerait de faire vibrer le monde de la musique cent ans après, précipitant une vie en dents de scie, de magicien fascinant les salons new-yorkais à prisonnier du goulag.

Né à Saint-Pétersbourg en 1896, le physicien travaillait sur un instrument capable de mesurer la densité des gaz quand il découvrit que son corps provoquait des sifflements sur sa machine. Il développa à partir de cette découverte le premier instrument de musique fonctionnant avec des oscillateurs électroniques. Ce fut Lénine qui l'incita à partir en tournée internationale d'agit-prop technologique et artistique pour en faire la démonstration. En France, il fera des étincelles : «Le professeur Theremin fait un début triomphal en présentant "la musique éthérée"», titre le Petit Journal en 1927. Aux Etats-Unis, dans les années 30, il se produira avec sa muse Clara Rockmore, devenue ambassadrice de l'instrument au timbre vacillant. Malheureusement l'instrument se révélera trop difficile à jouer pour le public : après l'interruption de sa fabrication, Theremin multipliera les projets fous et fantasmera des champs magnétiques capables de remplacer les ponts, des modules capables d'ouvrir les portes à distance, un pôle de sécurité pour la prison d'Alcatraz. Mais kidnappé aux Etats-Unis en 1938, il sera déporté au goulag. Réhabilité en 1956, il restera employé du KGB pendant qu'aux Etats-Unis, le jeune Robert Moog commencera à commercialiser l'instrument. C'est seulement après une enquête du New York Times au début des années 60 que le monde occidental découvrira que Léon Theremin était toujours vivant.