1 - Avec des feutres Jeff Mahannah se décrit comme «une belle personne gentille et douce qui boit du soda de temps à autre et apprécie le football américain». A en croire les BD dévergondées qu'il publie assidûment sur son compte Instagram, sans doute faut-il dissocier l'homme de son œuvre. A grand coups de feutres aux couleurs pétantes, l'artiste flingue en effet les produits dérivés du rêve américain. Sitcoms à l'eau de rose, fast-food, centres commerciaux, surfeurs bodybuildés, superflics, voilà la matière première de ses strips surréalistes où les pires obscénités se muent toujours in extremis en un ultime happy-end grinçant. Jeff Mahannah est porteur d'un message d'espoir : quand il pleut sur le monde, songez que l'arc-en-ciel n'est jamais loin - et qu'il sort tout droit de la bite d'un leprechaun. M.K.
[ www.instagram.com/jeffmahannah/ ]
2 - Avec des monstres Des Vénusiens à tête de chimpanzé vous balancent des rayons laser depuis une moto, vous les évitez de justesse et vous transformez en robot ninja quand surgit un cyclope hurleur qui vole en éclats, désintégré par un vaisseau spatial en forme de pneu piloté par cinq enfants et un réveille-matin géant (mais farceur) : pas d'erreur, vous êtes dans un tokusatsu, une série télé japonaise pleine de monstres protéiformes et d'explosions aberrantes dont les héros se nomment Guruguru, Robotack, Laserion ou Masked Rider. Créés au Japon dans les années 60 dans la foulée du succès de Godzilla par la major Toei, les tokusatsus ont fait main basse sur le monde, s'imposant dans les années 80 comme un élément incontournable de l'imaginaire et de la culture populaire. Toujours prolifique, le genre est désormais à l'honneur via une chaîne YouTube gratuite lancée lundi par la Toei. Démarrant avec plus d'une centaine de références, elle sera mise à jour régulièrement et permettra de revoir les épisodes de séries importées en France comme X-Or et San Ku Kaï ou de découvrir des merveilles méconnues comme la très vintage National Kid ou le délirant Robot 8-Chan. L.J.B.
[ www.youtube.com ]
3 - Avec Beethoven Laissez tomber, même confinés dans une cave sibérienne vous n'échapperez pas aux commémorations des 250 ans de la naissance de Beethoven. Ce coup-ci, l'initiative vient de Dijon, avec la diffusion, les mardis et jeudis, de l'intégrale des symphonies par les Dissonances. Cet ensemble, en résidence à l'Opéra de Dijon, se place à la frontière du chambriste et du concertant, et s'empare d'œuvres vastes interprétées sans chef, n'était leur fondateur, le charismatique gourou violoniste David Grimal. Histoire d'enfoncer le clou, les enfants peuvent participer à des ateliers Beethoven virtuels, mais on peut aussi les laisser respirer à la fenêtre. Côté lyrique, pour ceux qui voudraient parfaire leur historique des productions dijonnaises, sont diffusés des opéras chaque samedi à 20 heures, ce 11 avril, l'Orfeo de Monteverdi mis en scène par Yves Lenoir. G.Ti.
[ www.opera-dijon.fr/fr/l-opera-de-dijon-vous-invite-chez-vous ]
4 - Avec des cinéphiles Les happy hours et autres opérations open bars se poursuivent sur les sites payants pour la durée du bouclage sanitaire, et ne se contentent pas de donner accès à la culture en tranches dans sa formule «tapas». L'un des buffets les plus affriolants de ces derniers jours offre la possibilité de se plonger librement et gratuitement (le temps du confinement) dans les entretiens filmés long format de l'émission Dans le film sur le site Hors-Série, présentée par notre consœur Murielle Joudet (le Monde, les Inrocks) en dialogue, à chaque épisode thématique, avec un confrère. Les critiques s'adonnent à de longues parenthèses réflexives, très riches, sur un film ou l'œuvre entière de cinéastes. On y chausse des lunettes de théoricien pour aborder la légende urbaine de Batman, et on se coltine la question de la violence dans les films de Scorsese sans se hâter, en laissant tourner la montre. Plus que jamais, rien ne presse. S.O.
5 - Avec des vibrations «Un dialogue entre des rêveurs.» D'un côté du combiné, Floating Points, dont le dernier album d'electronica jazzy, smart et intense, nous avait passablement ravis ; de l'autre, nous autres confinés lambda, accrochés à nos devices en quête ininterrompue, même la nuit, d'art apte à nous contredire ou nous accompagner dans nos plus sévères accès de malaise eschatologique. Et dans le tuyau, un vrai beau mix du DJ anglais, enchaînant seize diamants de chanson cosmique ou folk enrobé d'étoffes symphoniques, dénichés dans autant de raretés méconnues ou réédités du jazz, de la soul et de la musica popular brasileira - Flora Purim, Susan Pillsbury, Steve Kuhn… - qui ravira autant les chercheurs de gemmes que ceux qui n'ont plus un CD à la maison. Car la vibration est bonne et l'intention de remonter le moral, fervente - connectez-vous y donc, par exemple, au réveil après un cauchemar, voir ce que ça répare. O.L.