Menu
Libération
Reportage

San Francisco, prise d’high-tech

Article réservé aux abonnés
Jadis fleuron hippie et bastion de la contre-culture, la ville a été envahie par une classe moyenne aisée travaillant pour les multinationales de la Silicon Valley, qui ont converti le psychédélisme à l’ultracapitalisme. Déambulation avec des artistes dans les rares lieux qui tentent de résister à cette gentrification massive.
Dans le quartier de Haight-Ashbury, le 21 mai à San Francisco, ville devenue très pro, propre et prospère. (Photos Cayce Clifford pour Libération)
publié le 24 mai 2020 à 17h06
(mis à jour le 24 mai 2020 à 18h06)

«Haight-Ashbury Music Center -Liquidation totale -Fermeture le 20 janvier.» Nous sommes arrivés trop tard. Nous ne mettrons pas les pieds dans le dernier magasin d'instruments de musique du quartier mythique de Haight-Ashbury, où fleurissait dans les années 60 l'utopie d'un quotidien transcendé. A San Francisco, l'inventaire se décompte à l'envers : salles de concert fermées, disquaires évaporés, maisons d'artistes désertées… Pourtant, rien n'entame l'optimisme de Charlie Saufley, du groupe psychédélique Heron Oblivion, signé sur le label Sub Pop, qui s'est proposé en ce début 2020, sous le soleil persistant, pour nous accompagner dans un vagabondage à travers les rues d'un San Francisco que la flambée des loyers a quasiment vidé de ses artistes.

Il s'excuserait presque d'en vouloir aux Gafam (les techno-multinationales Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft), dont les employés ont pour ainsi dire remplacé les hippies d'autrefois. «Les communautés technologiques qui prospèrent ici empruntent beaucoup à la bohème de San Francisco et ça me rend fou. On se sent déjà vaincus, et je ne suis pas sûr qu'il y ait la joie de la résistance. Se battre, ce n'est pas l'esprit de San Francisco, si amical, si souriant. Je dois vraiment me contenir car c'est très simple d'avoir l'air niais ou ringard», lâche-t-il béat, marquant l'arrêt au 710 Ashbury Street : la maison historique du Grateful Dead reste l'un des derniers vestiges d'une époque où la culture LSD voulait fa