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Libération
Critique

Jonathan Bree, le pâle masqué

Figure excentrique de la scène indie néo-zélandaise, le chanteur lisse sa pop orchestrale lancinante sur «After the Curtains Close».
Jonathan Bree. (Photo Adam Custins)
publié le 13 juillet 2020 à 18h06

L’apprentissage du sourire masqué commence à s’imposer sur tous les sourcils du globe, mais le Néo-Zélandais Jonathan Bree, un peu freak sur les bords, a depuis longtemps devancé le phénomène en performant le visage recouvert d’élasthanne lui écrasant toute expression faciale. Accompagné sur scène d’un bassiste aux yeux bandés, puis de danseuses synchronisées comme des automates, il laisse aux pupilles du public le soin d’y projeter des humeurs complexes, que ses textes sibyllins n’éclairent pas davantage. Cette mise en scène se plaque sur une pop oppressante autant que magnétique, parfois même caricaturalement gothique. Elle se savoure avant-après une plongée nostalgique dans The Cure ou The Auteurs, semi-cauchemar de bal fascinant. Cordes et cuivres sont tout aussi dénervés que nos fantômes, crissants dans l’écho de carillons de dulcitone. Pour les fans de la scène indie néo-zélandaise, son identité restera indissociable de sa formation twee pop The Brunettes, avec laquelle il a sorti depuis la fin des années 90 pas moins de neuf albums, et tourné en compagnie de The Shins, l’un des plus gros exports néo-zélandais.

The Brunettes, groupe mignonnet-rétro, formé avec sa tendre de l'époque, ne sortait pas vraiment du lot. Mais ses récentes productions lui valent bien une place d'honneur auprès d'autres excentriques de sa génération, créateurs de mini-mondes orchestraux entretenus en autarcie, comme Connan Mockasin ou Aldous Harding, soignant l'image et le son avec une minutie un brin maladive. Fort du succès de son titre You're So Cool, Jonathan Bree a tenté de réduire son opacité sur ce nouvel album, After the Curtains Close. Mais il perd aussi en énigme et en pouvoir de fascination. Si ses rêveries devenaient souvent inquiétantes, elles virent à des utopies carillonnantes sur Happy Daze, Heavenly Vision ou Meadows in Bloom. Ce dernier titre accueille la voix de Britta Phillips (Luna, Dean Britta), fidèle veilleuse de la scène dream pop des années 90 qui lui permet, par sa collaboration, de rentrer dans un cercle de pop aux plages de sommeil infinies.