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Libération
Critique

Jessie Ware, la meilleure disco en cure et encore

La musicienne britannique sort l’un des plus étincelants albums pop de cette année 2020 malheureusement privée de clubs.
C’est le 4e album de Jessie Ware. (C. Jacobs)
publié le 31 juillet 2020 à 18h36

La fête est figée par un flou entretenu sur la réouverture des clubs et nous attendons de pied ferme la possibilité d'un sas de décompression, ailleurs qu'au Puy du Fou… A la manière d'un speakeasy, ces petites portes dans des endroits inattendus qui dissimulent un club tamisé (lavomatic, kebab, chambre froide, dans le cas de Paris), Jessie Ware, 35 ans, est la porte de clinique qui dissimule le meilleur album de disco-pop de l'année. Elle était jusqu'ici limitée à un r'n'b souvent glacial qui lui permit dès Devotion en 2014 de s'émanciper de son image de prête-voix. Découverte par SBTRKT, producteur d'une nouvelle génération de dubstep du début des années 2010, bien essoufflée depuis, Jessie Ware a depuis sorti trois disques, autant collaboré avec le producteur Julio Bashmore que fait entendre sa voix dans un podcast très populaire outre-Manche où elle parle de cuisine avec sa mère. What's Your Pleasure ? est son quatrième album mais aussi le nom d'un titre qui interroge l'hédonisme hors des contraintes de nos existences, à commencer par celles qu'elle chantait auparavant. Elle remonte la barre à la verticale avec une disco-house langoureuse qui encourage pole dance et waacking, piochant dans le boogie et les facettes obscures du disco. Selon la culture de chacun, on glissera ses singles à côté de Sophie Ellis-Bextor, Robyn et Hot Chip ou en toute bonne foi, dans un bac à raretés des seventies. Au magazine Billboard, elle a d'ailleurs expliqué s'être inspirée des ambiances du Studio 54 (New York), et du Berghain (Berlin), «mais dans ma vision idéale d'un club, qui proposerait un Dirty Martini et un paquet de chips au vinaigre». Ce petit piquant anglais est instillé par les producteurs Joseph Mount de Metronomy, Kindness et James Ford (ex-Simian Mobile Disco, qui produit ici le génial Ooh La La), tous des esthètes de la disco prise par ses racines et boostée pour notre époque. Dans ce contexte libérateur, Jessie Ware se débride dès le single Spotlight, vibrant de pathos, tournant à l'euphorie avec un orchestre massif et un groove suggérant des petits pas en arrière, dans cette musique de l'oubli qui a gardé bien des atouts pour diffuser des joies et plaisirs pas complètement en voie d'extinction.