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Libération
Le corps en transe (3/7)

Hakken : le kick mains libres

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Créée par de jeunes prolos refoulés des grandes boîtes de nuit néerlandaises dans les années 90, la culture gabber et sa danse continuent d’attirer de nouveaux adeptes. Sur fond de hardcore, musique techno au rythme d’enfer, le jeu de jambes frénétique allie tradition folklorique et rave party.
Soirée gabber au Cargo à Spijkenisse, aux Pays-Bas, le 10 août 1997. (Photo Phil Nijhuis. ANP via AFP)
publié le 21 janvier 2021 à 18h51

Certains danseurs appellent ça le vortex : un tunnel d’intensité où le corps et l’esprit, entraînés à toute force par le tempo d’enfer, relancés à chaque coup de grosse caisse, sont comme portés par leur épuisement. Plus le rythme est rapide, plus le présent est long ; au bout d’une vingtaine de minutes, substances et stroboscopiques aidant, le lâcher d’endorphine est, sur une piste de danse, inégalé. Quand on en ressort, plus rien n’est pareil, et tant mieux si le corps est complètement déboussolé. Mais comment ça, le gabber est «le sous-genre le plus glorieusement de mauvais goût de la dance music» ? Comment ça, il concentre les combines les plus populistes de la techno, et a servi d’aimant, dès les années 90, à tout ce que le Benelux comptait de petits fachos décérébrés ? Quel adepte du «hakken», la danse néerlandaise qui s’est développée dans ces soirées, pris dans la spirale sublime de son accélération infinie, peut se soucier du nihilisme qui s’y camouflerait ? Le philosophe Paul Virilio a décrit le phénomène à maintes reprises, lui pour qui «la vitesse est la vieillesse du monde… emportés par sa violence nous n’allons nulle part».

«C'est cathartique. Un workout super intense, tellement frénétique que tu es submergé en une seconde, pour te retrouver dans un espace mental incomparable. Heureusement que la musique est droite, d'ailleurs. C'est ce qui te permet de ne pas perdre le contrôle. C'est comme conduire une moto qui va très vite.» Celui qui nous