Philippe Bordas aurait voulu être coureur cycliste. Son travail sur pellicule reste lié à cette passion d'enfance, à l'image de son dernier livre, l'Afrique à poings nus, qui révèle les corps de boxeurs kenyans et lutteurs sénégalais. Marchant sur les traces de Pierre Verger et de George Rodger, Bordas saisit un continent en combat, loin des cadavres qu'affectionnent les magazines. L'Afrique qu'il s'attache à capturer est puissante, vibrante, comme l'exposition parisienne, très réussie, à la Maison Européenne de la Photographie, qui accompagne son livre rempli de grigris et d'écrits sur le vif.
A Paris, en face du cimetière Montparnasse, son vélo pas très loin, Philippe Bordas, 43 ans et des yeux bleus pacifiques, raconte comment il a appris, avec la photographie, à comprendre la vie.
Vous vous souvenez de votre première photographie ?
C'était en 1979 au lycée Lakanal, à Sceaux, où je devais préparer Normale sup. J'étais l'un des rares étudiants à ne pas venir d'un milieu bourgeois. J'arrivais de Sarcelles, une ville sans mémoire, c'était très dur. J'ai acheté un Konica et l'ai utilisé comme une arme de défense. De façon frontale et ultraviolente, j'ai photographié des élèves, des profs, aussi des filles bien sûr. C'était ma façon de dire, «voilà l'énergie que tu dégages», de montrer à ceux qui m'agressaient que, moi aussi, je pouvais montrer leur posture sociale. Evidemment, aucun portrait ne tient la route.
Longtemps après, quand vous partez en Afrique, vous achetez un Leica...
Mon arme fatale, mais j'ai mis longtemps à m'en servir, et puis je ne savais pas que j'allais devenir photographe... J'ai