René Burri a fait le compte : avec 160 pays, il est sans doute le plus grand voyageur de l'agence Magnum. Il était déjà, en 1956, sur le dernier pétrolier à traverser le canal de Suez avant sa nationalisation. En 1963, il partait à Cuba à la rencontre de Che Guevara, dont il fit le célèbre portrait au cigare. Sans oublier la Chine de la Révolution culturelle, ou les Etats-Unis pour la navette spatiale Columbia.
A 80 ans, il se replonge dans ses photos. Celles qu'il présente dans le livre Impossibles réminiscences ont été prises aux quatre coins du monde entre 1957 et 2005. Toutes en couleurs - c'est une première -, elles sont présentées en pleine page et sans légendes, avec pour guide les souvenirs du photojournaliste, qu'il raconte, intarissable, avec enthousiasme et malice.
Impossibles réminiscences, que signifie ce titre ?
C'est une référence à la première photo : une porte verte, fermée, dont les interstices laissent deviner le soleil. Elle m'a rappelé une nouvelle de H. G. Wells, The Door in the Wall. Un homme y recherche la porte d'un jardin où il passa une enfance heureuse. Un jour, il la retrouve, l'ouvre, et tombe dans un trou. Wells y emploie l'expression «impossibles réminiscences», qui vaut pour les photos. Certes, celles du livre ont été possibles, mais pour les obtenir, combien ont été impossibles ? Souvent, on se retourne, la photo est là, et c'est là qu'il faut l'attraper. Un jour, j'ai dit à Henri Cartier-Bresson : «Garde ton moment décisif pour toi, moi j'ai le mien !» Quan