Trop de photographes et d'artistes continuent de produire, puisqu'il faut bien vivre et en vivre, quand leur moment est passé. Ce n'est pas le cas du Chilien Sergio Larrain, étoile fantôme de l'agence Magnum, sorte de Salinger de l'image, dont le travail s'effectue essentiellement du début des années 50 au milieu des années 60, entre 20 et 35 ans, pour se dissoudre dans les montagnes de Tulahuen, au nord du Chili, non loin du désert d'Atacama. Il s'y retire et pratique ensuite jusqu'à sa mort, l'an dernier à 81 ans, le yoga et la méditation. Il mange des fruits, des légumes, des céréales, met son fils au même régime, dessine assez médiocrement et envoie à ses ex-collègues de Magnum des lettres assez fumeuses que le maître aveugle de David Carradine, dans Kung Fu, n'aurait pas reniées : toi aussi, petit scarabée, prends conscience de la nature prédatrice et de la vanité de l'homme, apprends à faire l'harmonie en toi. Les bouddhistes sont aussi moralistes et prosélytes que les autres, mais en plus ils sont ennuyeux.
Ce pathos de l'absence et du silence a entretenu sa carrière posthume du vivant de Larrain, sans doute malgré lui : il constitue l'ordinaire des dames de vertu du salon photographique, tant on y passe de temps à mettre en scène la remise en cause du regard, avec soupirs d'humanisme contenus et abcès humide à la déontologie. Et il est certain que, chez Larrain comme chez Salinger, le retrait volontaire et prématuré a augmenté la légende - que Magnum a s