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Photojournalisme

«Nous sommes tous des enfants de Capa»

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Plus rapide, moins rémunéré, davantage concurrentiel et précaire : le métier a évolué, mais la motivation des photoreporters de guerre est restée la même.
publié le 18 octobre 2013 à 21h26

Le 6 juin 1944, Robert Capa s'apprête à débarquer sous une tempête d'acier, avec la compagnie E, dans la première vague d'assaut à Omaha Beach. Il ne veut pas pour autant abandonner son trench-coat, qu'il tient avec la négligence calculée d'un Humphrey Bogart. «Mes voisins ont attaché leur masque à gaz, une bouée de sauvetage gonflable et quelques autres gadgets, et moi, j'ai pris sur mon bras mon imperméable super chic de chez Burberry,écrira-t-il dans ses mémoires (1). J'étais l'envahisseur le plus élégant du lot.» A l'approche du rivage, le feu allemand se déchaîne. «Ma belle France était repoussante et horrible, et la mitrailleuse allemande qui faisait crépiter ses balles tout autour de notre vedette bousillait mon retour.» Mais il va lui falloir sacrifier son trench-coat. «J'ai rangé mon appareil et l'eau glacée traversait mes pantalons. A contrecœur, j'essayais de m'éloigner de mon pieu d'acier mais les balles m'y ramenaient sans cesse. Soixante mètres devant moi, un de nos tanks amphibies à moitié brûlé sortait de l'eau et m'offrait un second abri. J'ai fait le point . Les chances de survie de mon ravissant imperméable - très lourd sur mon bras - étaient minces et je le lâchai en me dirigeant vers le tank. Je l'ai atteint entre des corps flottants.»

Dans son récit, on retrouve la démarche flamboyante du dandy à côté de son extrême courage. Il répond aussi avec une pertinence toujours d'actualité