Le 5 avril 1242, sur les glaces d'un lac à la frontière de l'actuelle Estonie, Alexandre Nevski massacra les chevaliers teutoniques, soldatesque prétendant à la conquête de la Russie. On n'y était pas, mais c'est tout comme par la grâce de Sergueï Eisenstein qui, en 1938, tout à l'exaltation de la sainte URSS, fit de cette bataille censément fondatrice de la Russie une des scènes majeures d'Alexandre Nevski, rythmée au grand galop par une musique de Prokofiev.
Mercredi à Kiev, la bande-son devait plutôt être celle des sirènes de police et des bombes lacrymogènes répondant aux explosions de cocktails molotov. Mais le tsar Poutine s'agitant dans la coulisse des manifs ukrainiennes, c'est la même image qui transite des chevaliers bardés de fer du film d'Eisenstein, aux policiers caparaçonnés de la place de l'Indépendance, prêts à en découdre avec les manifestants pro-européens. Quelque chose aussi du Ran de Kurosawa, quand le film montrait en cadre large des théories de guerriers du XVIe siècle, retranchés derrière leurs boucliers.
Une image à forte teneur moyenâgeuse qui est augmentée par la métallisation de la photographie, noir et blanc en couleur. Une noirceur boueuse qui évoque plus le champ de bataille en rase campagne que la castagne en centre-ville.
Ce qui est donc sidérant, c’est que cette image «ancienne» soit d’actualité. Certes, il suffit d’avoir frôlé - mais pas trop - un de nos CRS pour convenir que son fourniment contemporain, du casque