Ce n'est pas une photo prise dans une favela de Rio, Mondial oblige, mais une image qui mérite cependant d'être regardée de près comme le photographe Lionel Charrier l'a cadrée. Dans la brume, à Calais, sur le port, au camp dit des Syriens, car bon nombre des migrants qui s'y pressent sont des fuyards de la guerre civile en cours.
La brume et surtout le brouillard ont connu au XXe siècle un sinistre destin sémantique quand les nazis promettaient à tous leurs ennemis Nacht und Nebel, nuit et brouillard, un euphémisme de terreur pour désigner l'extermination de masse. On est heureusement très loin de cette sorte de brouillard à Calais ces temps derniers. Mais il n'y a pas aujourd'hui de camp de rétention, qu'il soit de transit ou de refuge, au-dessus duquel ne plane pas comme une nébuleuse atroce, la mémoire de l'infamie nazie. D'autant que dans le fond du paysage, les hangars qui bloquent l'horizon citent fatalement, nécessairement, d'autres hangars dans d'autres contrées où le massacre des humains se voulait industriel.
Le brouillard, dès lors, est comme un personnage d’autant plus principal que sa visibilité est flottante, indécise et spectrale. On pourrait mettre sur le compte d’une défaillance technique de l’appareil photo ou d’un trouble de la perception, le caractère cotonneux de l’ensemble. Il pourrait passer aussi pour un part