«Aujourd'hui, l'image n'a pas un corps, mais une âme qui habite chaque écran. Elle n'est plus un tirage original et ça donne un autre sens à nos vies. Moi, j'essaie de réfléchir à la qualité du regard.» Joan Fontcuberta, un temps directeur artistique des Rencontres d'Arles, se présente comme «un ophtalmologue critique». L'exposition rafraîchissante qu'il propose dans le cadre de la manifestation PhotoEspaña (lire Libération de jeudi) au Circulo de Bellas Artes, titrée Fotografia 2.0, montre comment ce Catalan mène le jeu, toujours soucieux de s'ajuster à ce qu'il appelle l'Homo fotograficus, si éloigné de l'Homo sapiens qu'il paraît être un monstre. D'une manière très ouverte, sans effet paralysant pour le novice resté au stade du Leica, il exprime avec une vingtaine de jeunes artistes espagnols (dont la moyenne d'âge tourne autour de 30 ans) le destin insolite de certaines images, et donc le nôtre, entre caméras de surveillance, voyeurisme continu et exhibitionnisme domestique.
«L'instant décisif est mort, et nous voici face à l'instant indécisif. Ce n'est plus l'image en elle-même, mais sa circulation qui devient une valeur. Je suis très curieux de cette photographie installée dans les espaces de sociabilité numérique», ajoute Joan Fontcuberta, qui aime à parler de postphotographie.