Critique d’art et commissaire d’exposition, Marta Gili dirige le musée du Jeu de paume à Paris depuis 2006. Diplômée de l’université centrale de Barcelone en philosophie et psychologie, elle a organisé de nombreuses expositions, tant dans le domaine de la photographie historique que dans celui de la photographie et de la vidéo contemporaines.
Pourquoi avoir choisi cette photo de Gilles Caron ?
Elle a été prise il y a quarante-cinq ans, en Irlande du Nord, à Londonderry. Elle aurait pu avoir été prise hier à la Bastille, ou bien demain en Palestine. Tous les photographes engagés ont un jour saisi une telle image dans n’importe quel coin de la planète. J’ai justement choisi cette photo car elle est une icône, comme celle de la mère à l’enfant photographiée à chaque guerre. Elle symbolise le désaccord, la dissidence, la révolte.
Cette photo est aussi un cliché, image vue partout et tout le temps. Là, le cadre est ouvert, ce corps en déséquilibre, comme celui d’un danseur, semble défier un pouvoir hégémonique, pourquoi pas Dieu ! C’est un peu David contre Goliath.
Quels sont plus généralement vos critères de sélection ?
Ce qui m’intéresse, quand je monte une exposition, c’est la construction d’un récit, d’une narration. J’aime les images qui, comme cette photo de Gilles Caron, mêlent de l’émotion et du politique. J’essaie de trouver des photos qui deviennent des clichés de notre époque. Des images qui touchent et font réfléchir. Ainsi nous construisons notre regard sur le monde.
Comment se porte la photographie aujourd’hui ?
La photo, comme toute création artistique, est en bonne santé quand elle entretient un rapport critique au monde