Lors de leur triomphe à Rome, au retour de quelque campagne victorieuse, les généraux romains paradaient sur un char, accompagnés d'un esclave qui murmurait à leur oreille : «Memento mori» («souviens-toi que tu mourras»). Un avertissement de sagesse propre à alimenter une certaine philosophie de la vie, mais aussi un encouragement à entreprendre, en attendant. Laurent Troude, homme invisible du photo-reportage qui n'est pas du genre à parader, a pourtant repris le bon conseil à son compte. En général et a fortiori pour un long travail dans les allées du Père-Lachaise. Sujet déjà amplement documenté qu'il a pourtant griffé à sa façon. «J'ai fini par réaliser que le lieu est pour beaucoup un cimetière de statues, en pied ou en buste, des chers disparus. A les regarder avant de les photographier, j'ai senti comme une deuxième population qui frôle celle des visiteurs ou des touristes arpentant en masse le Père-Lachaise, un inframonde tout aussi vivant.»
Photos Laurent Troude
Laurent Troude nous pose des questions poétiques autant qu’existentielles : que se passe-t-il le soir quand le cimetière ferme ? Comme dans un film de Cocteau, les yeux des statues se mettent-ils à bouger dans leur orbite de pierre ? Est-ce que les gisants se lèvent ? Les cariatides aux seins nus laissent-elles tomber le poids des linteaux de marbre pour aller batifoler, racoler ou prendre l’air dans les allées?
Laurent Troude a choisi le cadre serré du portrait et, techniquement, a littéralem