Quand il racontait ses rencontres avec les grands de la planète, qu'il s'agisse de Kirk Douglas, d'Ansel Adams ou encore d'Henri Cartier-Bresson, Lucien Clergue, avec la verve provençale qui le caractérisait, lançait : «J'étais éberlué.» C'était l'un de ses mots marottes, qui lui convenait bien, à lui, l'Arlésien si attaché à ses racines qu'il donnait l'impression que la terre entière connaissait la ville qui l'avait vu naître le 14 août 1934.
Gitane. Il était impossible de lui poser une question et d'attendre sa réponse : il fallait qu'il se mette en scène avec une certaine dramaturgie, c'est-à-dire qu'il donne un contexte à l'histoire. Lucien Clergue rappelait ainsi que tout photographe se doit d'être un conteur de choix. Et il l'était !
Et il sortait de son chapeau des histoires plus incroyables les unes que les autres, où il parlait, bien sûr, de photographie, de l'invention du Polaroid, de Edward Weston, «le photographe absolu», des nus et du nombre d'or, de la mer et des rochers aux formes sculpturales, et de ceux qu'il avait vus tourbillonner. De cette gitane, bras implorants, lors d'un mariage, tandis que les hommes paraissaient immobiles. Ou de Charlie Chaplin chez lui à Vevey, dansant le flamenco. Ou plutôt quelque chose qui y ressemblait, avait dit Clergue, comme s'il sortait à peine de ce mirage.
La légende raconte qu'il se mit à la photographie par admiration pour Picasso, ce «dieu vivant de l'art», c