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Skins à fleur de peau

Pour aller au-delà des clichés qui identifient souvent ce mouvement à l’extrême droite, Alexandra Czmil présente à Nantes une série de portraits intimes.
(L'une des photos de la série d'Alexandra Czmil.)
publié le 17 avril 2015 à 17h26

Ils ont mauvaise presse, les skinheads. Il suffit de dire leur nom pour que l'on s'imagine une bande de gaillards aux gueules patibulaires, crânes rasés à blanc, en blouson noir ou militaire, pantalons treillis et grosses rangers montantes, croix gammée sur le front, bras tendu, criant «Heil Hitler !» Vous voyez le tableau ? Vous pensez : «Fachos». Vous avez tout faux. L'amalgame skins = néonazis est une aberration. A la base, les deux n'ont rien à voir. A tel point que les skins appellent leurs faux jumeaux les boneheads (littéralement «têtes d'os», équivalent de «crétins» en anglais). Mais les clichés ont la vie dure.

Origines. Dans l'imaginaire collectif, le mot skinhead reste associé aux identitaires d'extrême droite qui cultivent le look paramilitaire. Le réalisateur anglais Shane Meadows a déjà entrepris de casser cette image d'Epinal dans le film This Is England (2006). La photographe Alexandra Czmil et le sociologue Gildas Lescop creusent le même sillon : revenir aux fondamentaux pour tenter de changer le regard porté sur les skins. Soit en démêlant le réel du fantasmé dans les représentations du mouvement, soit en rendant hommage à ceux qui aujourd'hui conservent l'esprit des origines.

Ils espèrent ainsi rendre justice à une contre-culture défigurée par les préjugés, notamment à cause de l'image erronée qu'en ont formée les médias (lire ici).

Armoire. L'exposition «Rasés de près», présentée à Nantes au centre de musiques actuelles Trempolino, est l'occasion de découvrir le fruit de leurs travaux. Depuis huit ans, Alexandra Czmil photographie des skinheads en France. En couleurs ou en noir et blanc, elle plonge dans leur intimité, leur maison, leur armoire, pour saisir les skins dans la réalité quotidienne et les arracher au mythe. «Je n'ai jamais voulu montrer quelque chose de violent, assume cette diplômée des beaux-arts de Lyon. Même si le goût de la baston fait à l'évidence partie de la culture skin, il n'y a pas que des gens qui mettent des coups de boule. Je voulais sortir des clichés, montrer simplement des gens ayant un mode de vie différent. Mettre en avant ces skins qui ne sont pas fachos, qui existent, mais qu'on ne voit jamais : des jeunes, des parents, des gens normaux, passionnés de musique, fétichistes d'un certain look et respectant des codes.»

Le parti pris photographique d’Alexandra Czmil est complété par le point de vue sociologique de Gildas Lescop, qui donnera une conférence au Trempolino pour le vernissage de l’exposition.