Tchernobyl, 26 avril 1986. Explosion du réacteur numéro 4. En France, le discours officiel se résume en deux mots : risque zéro. La photographe Eleonora Strano, 6 ans alors, se trouvait dans la vallée de la Roya, entre la France et l'Italie. «Je me souviens d'un truc vague, un peu lourd lors de l'accident. On avait des recommandations, "ne pas manger de champignons", "ne pas boire le lait des vaches"… et les gens regardaient beaucoup la télé l'air soucieux.» Trente-trois ans plus tard, les cicatrices du nuage sont toujours présentes dans l'arc alpin, surtout dans le Mercantour, où des parcelles du sol ont encore des taux de radioactivité plus élevés que la moyenne. Passionnée de montagne et de marche, Strano s'empare du sujet au retour d'un reportage à Tchernobyl, guidée par ses souvenirs d'enfance. L'enjeu ? Représenter l'invisible. «Mon idée était de matérialiser la radioactivité à travers la brillance et le scintillement. La lumière blanche est synonyme de brûlure pour moi. J'avais en tête les photos d'un Japonais, Masamichi Kagaya qui, avec des procédés scientifiques, a symbolisé les traces de radioactivité sur des objets récupérés à Fukushima et ça apparaissait par petites taches blanches.» Mélangeant style documentaire et recherche plastique, Strano s'immerge dans le quotidien des habitants de la vallée de la Roya, son bal des majorettes, ses jardins de succulentes, ses baignades à la rivière, s'attachant à révéler la dualité entre cette ombre du passé et ces montagnes sublimes.
Eleonora Strano née en 1980 à Belfort travaille à Nice distribuée par l'agence Hans Lucas Série «Sous l'ombre du nuage»