La série de l'artiste new-yorkaise Jordan Tiberio «The Girl Next Door» propose un essai photographique composé en 2016 à partir d'un coup de foudre pour l'image mythique d'Irving Penn Summer Sleep, New York (1949). On y observe une femme enveloppée par la chaleur de l'été, s'abandonnant à des rêveries, telle une nature morte…
Tout en menant des recherches sur la mémoire, Jordan Tiberio insiste sur le pouvoir du médium photographique qui, selon elle, participe au jeu de la construction des souvenirs, jeux d’ombres et de lumières piégés dans un processus visuel renforçant ou déconstruisant l’identité d’un souvenir.
L’artiste met ainsi en scène cette théorie du souvenir et contrarie la version originale. Elle choisit de se concentrer sur la façon dont cette perte d’information devient autre avec l’appareil photo. Collectionneuse d’objets antiques, elle utilise un cadre de fenêtre comme point central de mise au point, pixellisant ainsi symboliquement chaque image. Embarquant ses amis dans l’aventure, à tour de rôle assistantes et modèles, Jordan Tiberio compose des scènes floues aux blocs de couleurs complexes, s’amuse à créer une profondeur de champ en superposant plusieurs cadres, nous invitant à découvrir l’atmosphère qui se cache derrière la barrière de ce jardin aux massifs de fleurs épanouies, et effleurant la présence de ces corps de femmes vêtues de robes sensuelles. Des gouttelettes d’eau obstruent par endroits des morceaux de chaque scène, représentant ainsi les fragments de nos souvenirs perdus dans le temps. Une émulsion fascinante de couleurs qui incite l’observateur à plonger dans la paresse du mystère et ses flash-back.
Que reste-t-il du cadre d’origine derrière cette expérimentation quasi polyphonique de sens et de sensations ?