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Libération
Reportage

Matin sanglant dans un marché de Sarajevo

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publié le 23 décembre 1994 à 23h23

«Un obus ne vient jamais seul». Hier à neuf heures du matin, Sehid

Hajrudin, boutiquier du petit marché Telal a plongé sous son comptoir. Après le deuxième coup de canon deux morts et sept blessés gisaient sur le sol gelé.

Sarajevo, envoyé spécial - L'hiver et le chômage retardent l'éveil de Sarajevo. Sauf sur le petit marché Telal. Là, tous les matins depuis septembre, ferrailleurs, chineurs et zingueurs y animent une brocante en plein air, avant l'ouverture des boutiques alentours.

Hier, à neuf heures, une détonation, sèche, peu assourdissante d'un coup de canon retentit sur le bord du square. Les vitrines éclatent. Un camelot meurt sur le coup, après un bref cri. Les corps gisent sur le sol, laissent des traînées d'un rouge vif sur la neige. Les gens sortent des maisons, des magasins, des voisins se précipitent... lorsque retentit un deuxième obus. Sehid Hajrudin, l'un des marchands, casquette sur la tête, écharpe enroulée sur une vieille veste rayée, racontera: «Je venais de baisser le store lorsque j'ai entendu la première explosion. J'ai entendu des cris, et me suis retourné vers le fond. Un obus ne vient jamais seul. Puis j'ai vu un éclair blanc et j'ai plongé derrière le comptoir.» D'une voix douce et sereine il ajoute: «Encore une fois, j'ai sauvé ma vie.»

Dans ce quartier qu'il ne quitte jamais, Sehid Hajrudin a été blessé deux fois dans la rue, une troisième fois chez lui. Une maison un peu plus haute. Ce jour-là, en mars 1993, l'obus tuait sa femme à ses côtés.

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