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Libération
Reportage

Les héros désenchantés de la révolution roumaine

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publié le 28 décembre 1994 à 23h18

Les héros désenchantés

de la révolution roumaine Cinq ans après la chute de Ceausescu, les combattants de 1989 s'estiment trahis. La loi de 1991, qui leur octroyait des réparations, a été largement détournée et profite souvent à des représentants de l'ancien régime.

Bucarest, de notre correspondante - L'AIR LAS, Costel Lupea, 45 ans, sort quelques pièces de monnaie de sa poche: «Tout ce que j'ai jusqu'à la semaine prochaine.» Puis il tend un papier chiffonné: son «Certificat de combattant pour la victoire de la révolution roumaine de décembre 1989». Comme lui, ils sont quelque 300.000 à avoir reçu cette carte attestant qu'ils ont été des héros. Mais, alors que la Roumanie fête les cinq ans de sa révolution, lancée le 16 décembre par les émeutes de Timisoara et poursuivie le 21 à Bucarest, le titre est aujourd'hui largement dévalué et les «héros» s'estiment floués.

La nuit du 21 décembre 1989, avant la fuite des époux Ceausescu, Costel Lupea, serveur de restaurant, manifestait dans la rue comme des milliers d'autres. Il rejoint les manifestants de la place de l'Université. «Pour mes trois enfants, explique-t-il, je voulais qu'ils vivent dans un monde sans dogmes.» Soudain, le drame: à ses côtés, son cousin est tué net; puis, par ricochet, la balle atteint Lupea à la tête. Inconscient, il est transporté à la prison de Jilava. Il ne sera hospitalisé que le lendemain. Après plusieurs opérations et des mois de convalescence, il rentre chez lui. «A l'époque, se souvient-il, des inc