reportage
JEAN HATZFELD
Serbie, sous l'embellie, les marchés noirs Allègrement utilisée par le pouvoir pour financer la guerre, l'inflation a été ramenée à 15% par an. Un «miracle» que beaucoup attribuent à Dragoslav Avramovic, artisan de la réforme monétaire. Mais c'est d'abord aux trafics en tout genre que la Serbie doit ce semblant de prospérité.
Belgrade, envoyé spécial - AU PREMIER COUP D'oeIL, tout semble normal. A six heures, les ouvriers de l'usine IRT franchissent les grilles. A neuf heures, une file de personnes âgées s'étire à la grande poste du centre ville pour retirer leur pension. Les magasins soulèvent leur grille, les ménagères se coudoient à la va-vite au marché. L'énigme commence. Au second regard, tout semble encore normal. Des moteurs luisants de graisse s'amoncellent dans les entrepôts IRT, les pensionnés rangent leurs billets dans leur porte-monnaie, des cabas lourds affaissent les épaules des ménagères. Et l'étranger se frotte les yeux pour ne pas croire au miracle économique, en se souvenant des temps ubuesques de l'hyperinflation.
C'était il y a un peu plus d'un an, en décembre 1993, le dinar battait le record mondial de l'inflation: 304 millions pour cent en un mois, plus de 100% à l'heure. Le directeur d'une petite entreprise se souvient de cette Bérézina monétaire: «Un matin, la banque nous amena deux millions de dinars pour payer les salaires. Cela valait globalement 1.450 marks (1 mark vaut environ 3,5 francs). A midi, la moitié des employés avaie