A Rutabwe, au sud de Kigali, quelque 200 orphelins, fils de victimes
ou fils de bourreaux, tentent de réapprendre à vivre avec des «mères de substitution», toutes veuves des massacres de 1994. Pour oublier l'horreur et cicatriser.
Rutabwe, envoyé spécial - SA MERE, Marie, l'a appelé «Celui qui essuie les larmes». Il est né en août de l'année dernière, quarante-cinq jours après que son père, un Tutsi, ait été tué. Il sourit en passant de bras en bras. Marie travaille à l'orphelinat de Rutabwe dans la préfecture de Gitarama, à une cinquantaine de kilomètres au sud de la capitale Kigali, là où la folie meurtrière des Interahamwe, les milices extrémistes hutues, a connu l'un de ses paroxysmes, au printemps 1994. Deux cents enfants, fils de victimes du génocide et fils de bourreaux, fils de massacrés et de massacreurs, jouent et chantent ensemble dans cet orphelinat perché sur une colline, dans des locaux mis à disposition par l'évêché voisin. «Leurs parents ont été assassinés ou se sont enfuis dans des camps de réfugiés au Zaïre, craignant des représailles», explique une éducatrice.
Beaucoup d'enfants ont 6 ou 7 ans. «Trop lourds pour être portés, trop lents pour suivre le pas des parents qui devaient faire attention à leurs autres enfants, ils se sont perdus», explique-t-elle. Ces enfants font partie des 50.000 orphelins de guerre ou enfants non accompagnés, ceux qui n'ont pas trouvé de famille d'accueil. Dans l'annexe du presbytère qui jouxte cet orphelinat modèle dirigé par un