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Libération
Reportage

Zezao, esclave du charbon au Brésil

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publié le 7 mars 1995 à 2h22

Quinze heures par jour, Zezao s'active près des fours, dans l'Etat

du Mato Grosso do Sul, où les eucalyptus sont transformés en charbon de bois. Un travail de forçat au service de quelques «négriers» peu scrupuleux.

Ribas do Rio Pardo, envoyé spécial - DE CHAQUE CÔTÉ de la saignée ouverte dans la forêt d'eucalyptus, une centaine de fours de brique en forme d'igloos vomissent des jets de fumée que des souffles de vent balaient en tous sens. La température flirte couramment avec les 70$ C à proximité de ces fournaises installées au lieu-dit Pitanguy, à une vingtaine de kilomètres de Ribas do Rio Pardo, dans l'Etat du Mato Grosso do Sul. Tout imprégné de suie, l'épiderme recuit par des bouffées de chaleur, Zezao, un Noir bâti en lutteur de foire, inspecte, avec les gestes d'un automate, les bouches de feu de son enfer quotidien. Tout à l'heure, en pleine nuit, il fera de même. Zezao est un «esclave du charbon», selon la terminologie de la Commission pastorale de la terre (CPT), une organisation de l'Eglise catholique qui publie chaque année un rapport sur le travail forcé au Brésil.

Payé en bons d'achat. Profitant d'un instant de répit, Zezao sirote, assis sur un banc, un bol de lavasse qu'il dit être du café, dans sa cabane couverte d'une toile de plastique noire qui exacerbe l'effet de serre ambiant. Quand on lui demande son âge (33 ans), il hésite, consulte d'un regard innocent son épouse qui répond pour lui, entourée de ses cing gosses aux visages d'affamés. Ancien journalier