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Libération

Argentine: les évêques muets face aux confessions sur la «guerre sale»

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par Claude MARY et Constance COLONNA-CESARI
publié le 11 mars 1995 à 2h14

Buenos Aires,

correspondance «Je me sens un assassin», a avoué jeudi soir le capitaine de frégate argentin Edouardo Scilingo, devant les caméras de la télévision.

La cinquantaine, costume-cravate, le visage grave, c'est sur un ton déterminé qu'il a expliqué pourquoi il avait tenu à révéler certains procédés d'élimination des prisonniers politiques lors de la dernière dictature. Scilingo a lui-même participé à deux vols aériens au cours desquels les détenus politiques, à qui un médecin avait injecté un somnifère, étaient déshabillés et jetés endormis dans l'océan ou dans le Rio de la Plata.

Scilingo a expliqué que son conflit avec les autorités militaires avait commencé en 1984. Lors d'un entretien préalable à une promotion il avait déclaré devant des officiers: «Je suis très angoissé et je pense en permanence aux vols.» Sa promotion fut refusée, ce qui équivaut, dans l'armée argentine, à une mise à la retraite anticipée. «J'ai sombré dans l'alcool et le Lexomil (tranquillisant, ndlr)...» Scilingo revoit toujours en rêve le moment où, alors qu'il précipitait un corps par la trappe ouverte, il a perdu pied et a failli tomber lui-même dans le vide.

En 1991 le président Carlos Menem accorde l'indulto (le pardon) et la liberté aux commandants jugés et condamnés pour les crimes commis entre 1976 et 1983. Scilingo ne peut supporter l'attitude des officiers supérieurs, qui n'ont jamais reconnu que l'élimination des opposants avait été organisée par le gouvernement et qui ont toujours pr