Genève, de notre correspondant
Il n'y a pas si longtemps, on faisait sentir aux nouveaux Suisses que leur passeport rouge à croix blanche les faisait désormais appartenir à l'aristocratie des nations et que, dans ce club très fermé, ils en avaient gravi l'ultime marche. Certes, avant d'atteindre ce nirvana, ils avaient dû effectuer un véritable parcours du combattant pour remplir les conditions exigées douze ans de résidence, dont plusieurs dans le même canton et s'étaient «assimilés» jusqu'à gommer les moindres aspérités culturelles de leur être antérieur. Rapport de police approfondi, enquête auprès des voisins, du concierge, de l'employeur, visite d'un inspecteur à la maison, entretiens sur la géographie, la culture, l'histoire, les institutions civiques, et des sommes qui se chiffraient souvent en dizaines de milliers de francs, attestaient «du sérieux de leurs démarches» et leur donnaient droit successivement à une «bourgeoisie communale» puis à l'acceptation cantonale, et, enfin fédérale.
La naturalisation de Joseph Zysiadis, ex-ressortissant turc, devenu aujourd'hui député et secrétaire général du Parti ouvrier populaire (Parti communiste), est emblématique de ce que fut, et subsiste par endroit, ce parcours du combattant: «J'avais été interrogé sur la hauteur des montagnes, la profondeur des lacs, les grandes batailles, la recette du pappet vaudois, la qualité des vins, les institutions civiques.» Après avoir réussi cet examen, Joseph Zysiadis reçut la visite d'un i