Pouilles, envoyé spécial «Plus jamais esclave!» Devant les caméras de télévision, encadré par des policiers, Igor fait le signe de la victoire: il reviendra. L'un des derniers Albanais entrés clandestinement en Italie et expulsés n'a que 15 ans. Il a été interpellé à Milan sur son lieu de travail, un carrefour où il vendait des mouchoirs de poche et lavait les vitres des voitures. Comme des milliers d'autres, il a fui le sombre destin qui l'attendait dans son pays pour suivre les mirages blafards de la richesse étalée à l'Ouest. Comme des milliers d'autres, il est entré par la «porte de l'Europe», la seule praticable depuis que l'ex-Yougoslavie est en feu: le talon de la Botte, les Pouilles, 800 kilomètres de côtes irrégulières, dentelées de criques, qui s'étalent de Bari jusqu'au cap de Santa Maria di Leuca. En passant par Brindisi, Lecce et San Foca, la plage des «enfants morts» depuis qu'on y a retrouvé enterrés dans le sable rose deux enfants kurdes décédés pendant la traversée.
C'est pour surveiller ce littoral que, le 9 mai à minuit, le gouvernement italien y a déployé l'armée. Enfin, une petite brigade d'infanterie: six cents hommes, une soixantaine de véhicules et quatre hélicoptères équipés pour le vol de nuit. Ils patrouillent 24 heures sur 24, montent des barrages près des points d'accostage des bateaux suspects signalés par les postes d'observation sur la côte. Les habitants, amusés, ne sont pas dupes de leurs premiers succès si «médiatisés», un Zodiac intercepté