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Libération
Reportage

L'Alabama ressort les chaînes de la honte. La prison de Limestone a rétabli le travail forcé effectué par des détenus enchaînés.

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publié le 1er juin 1995 à 5h46

Limestone (Alabama), envoyé spécial

Ils ont passé la journée les fers aux pieds, enchaînés par groupes de 5, à débroussailler sous le soleil du Sud les fossés d'une autoroute de l'Alabama, non loin du fleuve Tennessee. Puis, comme chaque soir, les 200 détenus ont quitté l'Interstate 65, escortés par des gardiens armés et leurs chiens. Direction Huntsville, son université, ses entreprises high-tech, le Marshall Space Center de la Nasa. La procession bifurque alors en direction d'un mirador au milieu des champs: la prison de Limestone. Cette promenade est rituelle, depuis un mois, et se prolonge «douze heures par jour, sauf en cas d'orage, de crainte que la foudre tombe sur un prisonnier. Avec les chaînes, ils seraient tous frappés», explique, avec un rictus, Ralph Hooks, le directeur de Limestone. Les caméras de télévision qui avaient filmé l'événement ont disparu. Reste un spectacle offert par le gouverneur de l'Alabama, Fob James, qui s'était engagé lors des élections à revenir à la pratique des chain gangs, pourtant associée au passé raciste et ségrégationniste de l'Etat, et abandonnée il y a plus de trente ans.

«Le message est clair: voilà le sort que nous réservons aux criminels», affirme Ron Jones, l'ancien directeur de la prison de Limestone, aujourd'hui responsable de l'administration pénitentiaire de l'Alabama. «Vingt ans de pratiques libérales n'ont conduit à rien de bon. Il est temps de revenir à des méthodes qui ont fait leurs preuves.» D'après un sondage, 70% des