Menu
Libération
Enquête

Les Chinois à l'assaut de l'Extrême-Orient russe. Depuis l'ouverture de la frontière les Chinois affluent, mais la cohabitation avec les Russes n'est pas facile.

Article réservé aux abonnés
publié le 8 juin 1995 à 5h35

Extrême-Orient russe,

envoyée spéciale Le premier ferry du printemps, entre la ville chinoise de Heihe et sa jumelle russe Blagoveschensk, vient de larguer les amarres. Accoudés au bastingage, une cinquantaine d'hommes d'affaires chinois s'esclaffent devant les «blockhaus» le long de la côte russe, derniers vestiges de la tension armée des années 60 entre les deux voisins. A ce niveau du fleuve Amour, le passage de frontière entre la Chine du Nord et l'Extrême-Orient russe dure moins de dix minutes en bateau. Mais on passe d'une planète à une autre. Adieu le brouhaha poussiéreux et l'activité anarchique de la ville chinoise, arrive l'Europe centrale, ses immeubles de pierre, ses avenues calmes bordées d'arbres. De novembre à février, le fleuve gèle et le passage peut s'effectuer à pied ou en voiture. Puis la glace se craquelle. Les énormes blocs qui descendent l'Amour jusqu'à l'océan, rendent la traversée en bateau trop dangereuse. Seuls les hélicoptères permettent alors de passer. Il n'existe pas de pont...

Longtemps coupée du monde, zone militaire stratégique de l'empire soviétique, à plus de 8.000 km et six fuseaux horaires de Moscou, terre du goulag et des hivers extrêmes, la Sibérie orientale a ouvert sa frontière en 1991. Cette ouverture s'est traduite par une «invasion douce» des Chinois de Mandchourie. A la mi-1994, plus de 2,5 millions d'entre eux (jusqu'à 4 millions, selon les estimations) étaient entrés sur le territoire russe. Cette vague d'immigrants a provoqué un