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Libération
Reportage

Les chercheurs de métal du «Diên Biên Phû américain»

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A Khe Sanh, les paysans ont fait de la récupération des vestiges de guerre une véritable industrie.
publié le 12 juillet 1995 à 6h23
(mis à jour le 12 juillet 1995 à 6h23)

«Une bombe, maman. On l'a déjà désamorcée. On va maintenant la scier pour récupérer la poudre», lance un jeune homme avec une pointe de fierté. Au jugé, l'objet fraîchement déterré pèse au moins 100 kilos. Les trois découvreurs vendront leur trouvaille pour un minimum de 400 dongs (20 centimes) le kilo à un ferrailleur de Khe Sanh, une bourgade de 7.000 habitants, au centre du Viêt-nam.

Du champ de bataille de Khe Sanh, le «Diên Biên Phû américain», il ne reste aujourd'hui qu'un terrain vague d'un kilomètre sur deux, couvert de cratères et encore jonché de balles de M16 ou de AK-47. Dans un silence absolu, des groupes de chercheurs de métal, des paysans hâves et crasseux, piochent dans cette terre couleur de brique à l'aide de pelles et de pioches. Certains creusent même à la main.

C'est dans cette cuvette entourée de collines qu'avait été quasi anéantie, entre janvier et mars 1968, la 5e division des marines. Attaqués par quelque 20.000 Bo-Doi des divisions 304 et 325 de l'armée nord-vietnamienne, les 6.000 marines évacuèrent le camp retranché après un affrontement de 66 jours, qui fit 1.500 morts et blessés côté américain et des milliers côté vietnamien. Sur Khe Sanh tombaient jusqu'à 7.000 obus, roquettes ou bombes par jour. Les entrailles de la plaine en sont encore saturées. La bataille de Khe Sanh: la plus acharnée de la guerre du Viêt-nam selon des historiens américains.

Une jeune fille approche à petits pas, interpelle l'étranger et tire de sa poche un médaillon rouill