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Libération
Enquête

La mafia turque au coeur de la violence économique

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Les «babas» profitent de l'explosion du libéralisme sauvage.
publié le 14 juillet 1995 à 6h20

Les tueurs à gages de la mafia turque ne chôment pas. Au moins sept hommes d'affaires importants ont été leur cible depuis huit mois, qu'ils aient été blessés en guise d'avertissement ou «liquidés». Ils ont subi le même sort que vingt et un petits entrepreneurs ou commerçants d'Istanbul tués ces derniers mois. Du jamais vu, d'autant que parmi les victimes de ces règlements de comptes figurent de très grands noms de l'économie nationale, tels Engin Civan, président de la grande banque publique Emlakbank, agressé le 19 octobre 1994; Bekir Kutmangil, ex-PDG d'un gros groupe de presse et de charbonnage, ou Emin Cankurtaran, concessionnaire d'Adidas en Turquie, abattu le 29 mai. Ugur Cakici, assassinée le 19 janvier, était, elle, une femme d'affaires et, surtout, l'épouse d'un baba (littéralement «père», c'est-à-dire «parrain») de la mafia dite «idéaliste» (extrême droite fascisante) et la fille d'un autre boss. Les quelques tueurs arrêtés gardent le silence et la police turque s'est jusqu'ici montrée incapable d'identifier les commanditaires des meurtres.

La mafia turque est de mieux en mieux installée au coeur du pouvoir, entre «business» et classe politique, qui demeurent, selon la formule consacrée, «les deux moitiés d'une même pomme». «C'est une conséquence naturelle du néolibéralisme sauvage en vigueur en Turquie depuis le coup d'Etat militaire du 12 septembre 1980. Jusque-là discrète, sinon marginale, la mafia s'est mise au diapason d'une violence économique et politique gé