Shanghai, envoyée spéciale
A moins de cent cinquante mètres du périphérique aérien, dans le quartier de la Digue du Nord, au coeur de Shanghai, vit un petit îlot d'irréductibles. Les Chinois les surnomment les «têtes de clou». Environ soixante-dix familles font de la résistance depuis plusieurs mois. Comme plusieurs dizaines de milliers d'autres habitants de la mégapole industrielle, ils refusent de quitter leur logement au centre-ville. Ils devraient être déplacés dans la lointaine banlieue pour permettre aux promoteurs immobiliers de bâtir sur ce terrain une résidence ultra-moderne réservée aux nantis. Les bulldozers ont rasé tous les bâtiments alentour, les pelleteuses ont commencé les tranchées, rendant ce combat encore plus dérisoire et fragile. Dans l'entrelacs de ruelles qui serpentent entre les maisonnettes en torchis, chaque famille dispose d'une pièce d'une dizaine de mètres carrés. Pas d'eau courante. Les habitants font la queue avec de grands seaux métalliques près de la pompe, au centre du «hameau». Une main agrippée à l'accoudoir de son vieux fauteuil en cuir, l'autre lissant d'un geste déterminé le manchon de fonctionnaire qu'elle porte encore au bras, madame Zhang, 68 ans, explique qu'elle ne quittera pas ce quartier dans lequel elle a toujours vécu. Sur l'étagère, la vieille pendule tressaute aux hoquets des marteaux-piqueurs...
Comme toutes les grandes villes chinoises, Shanghai s'est transformée au cours des trois dernières années en un immense chantier. Il