La campagne estonienne est bleue de fleurs, mais ce sont les pavots
de la discorde qui poussent par champs entiers dans ce petit pays balte: ces derniers jours, les ministères de l'Agriculture et de l'Intérieur ont engagé une virulente polémique à leur sujet. Pour les responsables de l'ordre public, cette soudaine profusion de plantes dont on extrait l'opium, alors que l'Estonie est une plaque tournante du trafic de drogue entre l'ex-URSS et l'Europe, a quelque chose de louche, à tout le moins.
«Nos fermiers ne font rien d'illégal», rétorquait de son côté, hier au cours d'une conférence de presse, le ministre estonien de l'Agriculture, Ilmar Mandmets. Selon lui, les innocentes graines ne sont que destinées à l'industrie alimentaire, les Baltes, comme tous les peuples d'Europe centrale, étant friands de pâtisseries aromatisées au pavot.
Les professionnels de l'agroalimentaire ont été scandalisés par une récente descente policière dans le sud du pays, au cours de laquelle la maréchaussée estonienne, sous l'oeil des caméras, a ostensiblement détruit deux hectares de pavots.
La police a affirmé que des dizaines de drogués étaient déjà sur place, attendant seulement que les graines aient fini de mûrir pour se servir. Comme pour compliquer encore l'affaire, il se trouve que le ministre de l'Agriculture était, jusqu'en mars dernier, le principal actionnaire de la compagnie ayant importé des graines de pavot d'Asie centrale en Estonie. Aux insinuations sur le caractère intéressé de cet