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Vendue six fois à 22 ans...

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Passée de «mari» en «mari», torturée, violée, Zhang Shangfang s'est réfugiée dans la folie.
publié le 21 août 1995 à 7h18
(mis à jour le 21 août 1995 à 7h18)

Après tant d'humiliations, sa folie lui a fourni une dernière pudeur. Pendant plusieurs années, Zhang Shangfang a oublié son nom. Vendue six fois, réduite à l'état d'esclave sexuelle, Zhang Shangfang, 22 ans, a perdu la raison. Son cas a été monté en épingle par la propagande, dans le cadre d'une vaste campagne contre la traite des femmes. Cette vieille pratique, disparue pendant la période communiste, réapparaît à grande échelle dans la Chine des années 90.

«C'est vrai que je me suis attaché à cette gamine, elle était si jolie et son histoire est tellement cruelle...» Wang Guiyue, le directeur de l'hôpital Ankang de Tianjin, a les larmes aux yeux et un sourire bonhomme, en évoquant le cas de «cette malade pas comme les autres», dont les photographies ornent les couloirs de l'asile psychiatrique. Lorsque Zhang est arrivée à l'aéroport de Tianjin, en provenance de Canton, le 10 décembre 1994, le personnel de l'hôpital ignorait tout de son histoire. Reconstitution difficile. Pendant deux mois, Zhang est restée incapable de s'exprimer clairement. Elle parlait en outre un dialecte du Guangdong, que les Chinois du Nord ne comprennent pas. Une infirmière venant de la province proche du Hunan a servi d'interprète. «Mais Zhang refusait de répondre, comme si sa mémoire s'était effacée», se souvient le directeur. L'équipe médicale a épluché la presse locale, interrogé la police, la famille, les paysans voisins et finalement retracé son histoire édifiante.

Zhang est la cadette d'une f