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Libération
Reportage

«Trois ans de siège pour en arriver là, c'est la honte». Les Sarajéviens vivent la reconnaissance d'une République serbe par les Bosniaques comme une trahison.

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publié le 11 septembre 1995 à 8h26

Sarajevo, envoyé spécial

Samedi soir, la popularité du pape ­ en l'honneur duquel le couvre-feu a été exceptionnellement levé à l'occasion d'une manifestation religieuse en Italie ­ submerge celle du président Izetbegovic, plus encore dans les quartiers musulmans, et plus encore chez les jeunes. Les Sarajéviens déambulent en bandes pour se retrouver, mangent pour s'amuser, boivent pour oublier: les obus, l'enfermement, les mauvaises nouvelles. Les dernières datent du journal télévisé de la veille au soir, après la réunion de Genève.

Les Sarajéviens ne retiennent qu'une chose dans l'énumération de l'accord: la présidence bosniaque reconnaît désormais l'existence d'une République serbe à Pale. Le journal Oslobodienje insiste là-dessus, la télévision aussi. Dina aussi, attablée avec des copains dans un café surpeuplé, qui lâche: «Trois ans et demi de siège pour en arriver là, c'est la honte.» Dina, étudiante de 25 ans, n'a jamais voulu profiter de multiples chances de sortir de la ville. Ni musulmane, ni croate, ni serbe, elle se dit jeune, jolie (ce qui est vrai) et Sarajévienne. Pour cela, elle n'a jamais saisi ses multiples chances de sortir de la ville: «Parce que je suis mieux ici qu'ailleurs», explique-t-elle. «Parce que j'y étais mieux qu'ailleurs», se reprend-elle avec ostentation. «Depuis quarante et un mois nous subissons privations sur privations, défaites sur défaites. D'une certaine façon, nous nous croyions blindés. Nous pensions surtout que rien ne pouvait nous arr