Sarajevo, envoyé spécial
Derrière le théâtre, à une station-service que l'on pensait oubliée à jamais, un pompiste observe le compteur qui tourne. Un prix de l'essence très cher mais normal, pas d'obus dans le ciel, plus de réquisitions de voitures: les rues de Sarajevo retrouvent un peu l'atmosphère d'une ville ordinaire. Ce timide regain de la circulation n'adoucit guère la vie de Zora Dzihanic, étudiante en droit. Aucun voisin de son quartier de Bistrik ne possède plus un véhicule en état de démarrer, susceptible de lui éviter la longue descente vers la faculté. Aucun automobiliste ne l'emportera hors de la ville.
Aujourd'hui, toutes les échappées de Sarajevo passent par la piste de l'aéroport. Là décollent des avions réservés aux personnes accréditées par l'Onu. Là commencent les routes bleues ouvertes aux convois depuis la semaine dernière. Trois d'entre elles traversent des faubourgs serbes. La quatrième grimpe la piste du mont Igman. Vingt-deux autos, bondées d'exilés en visite pour deux ou trois jours à Sarajevo, l'ont empruntée hier et 162 camions chargés de vivres. Le spectacle de cette soudaine «invasion» a réanimé le désir de départ chez Zora. Elle a téléphoné à l'université londonienne, contactée un an plus tôt, qui lui a confirmé l'obtention d'une bourse. Au consulat anglais de Zagreb, qui lui a renouvelé son visa. Elle s'est rendue au tribunal pour obtenir un extrait de casier judiciaire. Au bureau du ministère de la Défense, pour demander une permission de sort