Donji Vakuf, envoyé spécial
A mi-chemin entre Jajce et Donji Vakuf, un village, éteint et silencieux, borde la chaussée. L'écriteau, barré d'une inscription insultante, désigne Vinac. Il est si abandonné que pas même un barrage militaire ne le garde. Des chaises en plein milieu sont la seconde incongruité de l'endroit. Partout autour, dans l'obscurité d'une nuit sans lune, on distingue une véritable brocante: de frigos, de canapés, de coussins, d'ustensiles et de meubles. Tantôt en état normal, tantôt cassé ou en train de se consumer. Comme si toutes les maisons avaient été vidées par portes et fenêtres. Celles-ci sont d'ailleurs, pour la plupart, battantes ou entrouvertes.
Le barrage le plus proche se situe huit kilomètres plus loin. Près d'une casemate de rondins, trois militaires se chauffent auprès d'un feu de bois, indifférents aux rafales de mitraillette qui troublent le calme de la forêt. Bosniaques du 3e Corps, ils ne contrôlent apparemment qu'eux-mêmes, car la route, à cet endroit, est déserte. En apparence seulement. Quelques virages plus loin, en effet, se trouve le premier barrage, croate, qui garde l'entrée de Jajce.
Aucun Bosniaque ne peut le franchir, dix jours après la victoire de cette offensive qui a permis aux troupes de la Fédération croato-bosniaque de reconquérir cette région au sud de Banja Luka. Officiellement, la bataille fut partagée, la conquête territoriale est commune. Sur le terrain, n'apparaît cependant jamais aucune mixité. L'armée croate occupe