Sarajevo, envoyé spécial Ce fut une belle étape. Pleins gaz! A preuve, il a franchi la dernière colline, en territoire serbe, avec une demi-journée d'avance sur les horaires les plus optimistes, des spécialistes onusiens et autochtones. D'abord un petit filet, échappé et signalé triomphalement vers 17 heures dans les canalisations de Gengic Vila, quartier de la ville moderne; et de Grbavica, le quartier serbe, ennemi depuis quarante-trois mois, qui le jouxte sur l'autre rive de la Miljacka.
Puis le gaz se répand, timidement, modestement, irrégulièrement, de ci de là, comme un parent parti longtemps, traumatisé par une longue absence; au gré des tests des services techniques. Alors, de ci de là, toutes les cuisinières de la ville mobilisent toutes les lignes téléphoniques pour s'enquérir les unes les autres de l'arrivée de l'enfant prodigue, pour papoter de projets culinaires, réalisables ou pas selon les immeubles et maisons, de ce premier dîner au four, ou pour se féliciter collectivement en fin d'une éprouvante journée.
Pour certaines, la journée avait commencé avant l'aube. Au beau milieu de la nuit, en effet, beaucoup de Sarajéviens s'étaient réveillés trempés de sueur. Ni les affres d'un cessez-le-feu reporté lundi, ni les images sanglantes d'enfants tués dans un camp de réfugiés de Zivilice, dont la télévision multipliait la diffusion, ni l'angoisse existentielle de chacun à l'approche d'un armistice possible; rien de cela n'était à l'origine de ce brusque éveil nocturn