Washington, de notre correspondant
La «marche du million» a eu lieu hier à un moment complexe de l'histoire du mouvement noir et des relations raciales aux États-Unis, marqué symboliquement par le télescopage temporel de deux événements: le procès O.J. Simpson, qui a révélé la largeur du fossé psychologique et social qui sépare encore Noirs et Blancs plus de trente ans après l'élimination des dernières traces légales de ségrégation, et la possible candidature présidentielle de Colin Powell, qui marque au contraire l'importance du chemin parcouru dans le même temps. Mais au cours de cette longue journée de discours et de célébrations sur le Mall de Washington, le message répété de la manifestation a finalement émergé sous une forme qui ne saurait inquiéter la majorité blanche et qui au contraire devrait contribuer, s'il est bien analysé, à la rassurer plutôt sur l'avenir possible des relations raciales dans le pays.
Finie assurément l'époque où le mouvement noir s'incarnait dans le double héritage symétrique de Martin Luther King et de Malcolm X, et où de fait la révolution violente, ou non violente était à l'ordre du jour (elle eut lieu, sous la forme de l'appareil législatif connu sous le nom de «droits civils»). Dans la communauté afro-américaine, l'heure est à l'introspection, à la responsabilité, à une volonté proclamée d'oeuvrer d'abord dans son quartier, et à l'appel à l'esprit d'entreprise et à la création d'emplois dans les zones urbaines dévastées par le crack et