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Libération
Reportage

Gorazde, la ville symbole renaît au mondeDans les rues éventrées, les gens ont envie de raconter.

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publié le 18 octobre 1995 à 9h11

Goradze, envoyé spécial Ce rideau, haut de plusieurs mètres, tendu d'immenses bâches de plastique noir au-dessus de deux fortins de sacs de sable, semble incongru. Il marque l'arrivée sur Gorazde, ville coupée du monde depuis trois ans. Après une longue traversée de pâturages, désertée de gens, peuplée uniquement de peaux de mouton et de chevaux, la route, au dernier barrage serbe, est en effet voilée. Comme si les militaires qui la gardent voulaient dire: derrière, il n'y a rien à voir. Comme si, derrière, commençait un autre monde, ce qui, par ailleurs, est assez vrai.

De l'autre côté,se dressent, immédiatement, dans une végétation sauvage, les ruines des premières maisons. Fermes brûlées, granges écrasées, dans lesquelles se devinent les silhouettes de commandos planqués. La route longe ainsi une vallée qui se rétrécit dans un univers maintenant familier, dans cette Bosnie de dévastation. Elle nous approche enfin de cette ville symbole, ou plutôt ville miraculée, que l'ambassadeur de France décide ce matin de visiter pour officialiser le dégagement de cet itinéraire Sarajevo-Goradze. Cette ouverture entérine, en effet, l'appartenance de cette cité de l'ouest du pays à la Bosnie bosniaque, et annihile ou retarde les velléités internationales de l'échanger contre une ville du Nord, pour homogénéiser les nouvelles cartes géopolitiques.

Au début de la guerre, Goradze accueillait des flux de réfugiés musulmans, enfuis en catastrophe des villes voisines de Foca et Visegrad, et d