Vladivostok,
envoyé spécial Sur le quai principal, regard tourné vers le large, un matelot de bronze dresse son buste colossal face à la houle du Pacifique. Vestige d'une grandeur révolue, quand la flotte d'Extrême-Orient, fleuron de la marine soviétique, rêvait encore de dominer les océans. Las, mouillés au pied de la statue, les bâtiments de guerre ne larguent plus que rarement leurs amarres, livrant leur dernier combat contre la rouille. Autour des passerelles, matafs et officiers désoeuvrés noient leur ennui dans la routine des servitudes. Durant des années, ils furent la fierté, la raison d'être de Vladivostok, leur port d'attache, fermé aux Russes comme aux étrangers pour mieux protéger leur activité alors intense. Personne n'aurait songé à s'en plaindre.
La ville est «ouverte» depuis 1992 et espérait que Cette nouvelle liberté attirerait les mânes des investisseurs occidentaux. En vain. Le capital ne semble guère faire bon ménage avec l'omniprésence des militaires qui en viennent à être considéré comme un fardeau par leurs cocitadins. La flotte, les arsenaux et l'industrie d'armement ont fait la richesse du Primorié Kraï, «les marches maritimes». Ils sont désormais traînés comme autant de boulets qui pénalisent le développement de la région.
Moscou oublie ses matelots du bout du monde. La guerre froide est révolue. Le budget fédéral a fondu. Les subsides se font rares. Soldes impayées et créances accumulées paralysent l'activité économique de Vladivostok. Au point que l'